Quand l’audiovisuel s’engage dans l’éco-responsabilité

Ajouté le 25 avr. 2019, par Marina Ezdiari, Laurence Lafiteau, Salvo Manzone
Quand l’audiovisuel s’engage dans l’éco-responsabilité

Remise des Pass Ecoprod aux deux premiers groupes formés
afterwork ecoprod audiens 2019 remise des prix
Remise des Pass Ecoprod aux deux premiers groupes formés ©Erwan Floc’h

Le collectif Ecoprod propose aujourd’hui aux professionnels des formations d’éco-tournage pour les producteurs et les régisseurs. Entretiens avec Marina Ezdiari, Laurence Lafiteau et Salvo Manzano qui nous expliquent la démarche et les enjeux.

Marina Ezdiari, responsable RSE Audiens

Le collectif Ecoprod a été créé pour accompagner la filière de l’image dans la maîtrise et la baisse des impacts écologiques liés aux tournages de films. Ecoprod propose, à titre gracieux, aux professionnels de l’audiovisuel et du cinéma des méthodes et des outils notamment via le centre de ressources. Le collectif mène également des actions de sensibilisation et de formation afin de diffuser les bonnes pratiques auprès du plus grand nombre d’acteurs.
Outre Audiens, le collectif compte aujourd’hui 8 partenaires dont le Centre National de Cinématographie (CNC), Paris Région Entreprises, la Commission Supérieure Technique (CST), Film France, France Télévisions, le ministère de la Culture, le Pôle Média Grand Paris et TF1.

Qu’est-ce qui a conduit le comité de pilotage d’Ecoprod à lancer le Parcours d’Éco-production ?

Le collectif a toujours œuvré pour des méthodes de tournages respectueuses de l’environnement. Nous sommes présents dans des salons et festivals professionnels, tels que le Salon des Lieux de Tournages, Deauville Green Awards, le Festival de Cannes, le Festival de La Rochelle… en y organisant des tables rondes mais aussi à travers le stand Ecoprod ou des prises de parole dans des conférences. Les membres du comité de pilotage sensibilisent également les élèves du cinéma. Nous avons déjà organisé des séquences de sensibilisation dans des établissements comme l'École de la Cité, l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, l'EICAR, l'INA SUP.
Nous nous sommes rendu compte qu’il fallait maintenant aller au-delà des séquences de sensibilisation de courte durée de 1 ou 2 heures vers des sessions plus complètes en faisant participer les professionnels dans un format interactif sur des questions très opérationnelles. C’est la différence entre la sensibilisation qui, en quelque sorte constitue la première étape dans la prise de conscience, et la formation qui vise à approfondir les sujets.
Sur la base de ce constat, le collectif a élaboré, avec une professionnelle du métier, Laurence Lafiteau, un « parcours » pour engager les opérationnels des tournages dans l’action écologique.

Qui sont vos interlocuteurs ?

Nous avons démarré avec deux catégories de professionnels qui ont une vue d’ensemble d’un tournage. Il s’agit de directeurs de production qui tiennent aussi le budget, et des régisseurs. Afin de préserver l’interactivité, le nombre de participants est limité à 15 personnes. 
Trois parcours ont déjà été organisés, suivis par 35 professionnels.

En quoi consiste ce parcours ?

Le parcours se compose de deux modules d’une demi-journée chacune, financés par Ecoprod et gratuit pour les participants. Dans le premier module, nous rappelons le contexte climatique et comment chaque métier a son rôle à jouer pour que nous réussissions, ensemble, à limiter les dérèglements du climat. Tous les scientifiques sont du même avis aujourd’hui : le changement climatique actuel est du fait des activités humaines. C’est donc aux humains d’agir ! Nous abordons également le management de la démarche écologique au sein d’une équipe de tournage, la notion des parties prenantes et les éco-labels.

Dans le deuxième module, notre focus est sur l’impact des métiers audiovisuels dont les principaux émanent du fret, du transport, de moyens matériels (ex : éléments de décors), de moyens techniques et au bout du compte des déchets dont certains, comme les piles ou les mégots sont extrêmement toxiques pour l’environnement.

Puis, place aux exercices pratiques ! Simulation sur Carbon Clap, travail en sous-groupe à partir d’un dossier de présentation de film et du Guide des Actions Ecoprod et enfin restitution, dans les grandes lignes, d’un tournage éco-responsable.
Une fois les deux modules complétés, les participants reçoivent un questionnaire qui permet d’évaluer leurs connaissances et leur volonté écologiques. Le parcours s’achève avec obtention du « Pass Ecoprod » pour valoriser l’investissement personnel des participants.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Dans nos listings, figurent plus de 1000 personnes. Il y a donc de quoi faire ! Nous poursuivrons avec le parcours de base en l’améliorant chaque fois. La formation est en effet une « matière vivante » et évolutive ! De plus, il arrive que l’apprentissage soit dans l’autre sens, c’est-à-dire que nous découvrions des initiatives intéressantes mises en œuvre par des participants ; elles viennent enrichir nos connaissances mutuelles. Par exemple, Nicolas Trabaud, régisseur sensible à l’environnement, nous a expliqué comment dans le cadre de son dernier film lorsqu’il a fallu construire des cabanes en pleine forêt, l’équipe a décidé de n’utiliser que la végétation locale afin d’éviter l’introduction d’espèces invasives susceptibles d’endommager la flore locale.

Laurence Lafiteau, directrice de production et productrice d'événements. Elle co-anime le Parcours d’Éco-production. 

Quel est votre parcours en matière d’éco-tournage de films ?

Depuis plus de 3 ans, je forme des jeunes cinéastes à la production responsable en m’appuyant sur les bonnes pratiques et les outils développés par le collectif Ecoprod. J’interviens à la fois à travers le Parcours d’Éco-production d’Ecoprod, et d’écoles de cinéma. Il me semble essentiel que les techniciens s’approprient les outils Ecoprod, soient formés aux bonnes pratiques et partagent leurs expériences de terrain. Les ateliers en intelligence collective qui composent le Parcours offrent une méthode pour que chacun s’approprie rapidement cette nouvelle façon de tournage respectueux de l’environnement. Grâce à mes différentes expériences de terrain, j’ai modélisé, pour ces ateliers, des cas pratiques dont celui du long métrage « Parenthèse », premier film ayant obtenu la reconnaissance d’Ecoprod.

Quelles actions avez-vous mis en place dans le cadre de « Parenthèse » ?

Tourné en Ile-de-France et en PACA, ce film avait la particularité d’être tourné au sein de décors naturels d’un Parc National régi par une règlementation stricte. Ce cadre règlementaire, et le sujet du film m’ont permis de proposer une démarche de production responsable.
De nombreuses actions ont été mises en œuvre sur le tournage, certaines faciles et simplement de bon sens comme le tri sélectif des poubelles, les transports en commun, le train versus l’avion, les placements de produits responsables, la cantine et les produits locaux…, et aussi des actions plus complexes comme l’éco-conception des décors, l’optimisation du nombre de plans aériens, l’économie d’énergie….
Une bonne communication autour de notre démarche cohérente nous a aidé dans toutes les démarches d’autorisations sensibles (tournage dans un parc, sur les plages, en pleine mer, en centre-ville), et dans la recherche de partenaires (Bénéteau, Sodastream, Greenpeace…), de prestataires (ayant eux-mêmes signé la Charte Ecoprod) ... jusqu’à la distribution du film.

Quels sont les leviers humains, environnementaux et budgétaires dans une éco-production ?

Au plan humain, il faut réussir à non seulement convaincre les producteurs, mais également faire adhérer le plus grand nombre de techniciens et de parties prenantes. La décision stratégique doit être prise très en amont avec le producteur et le réalisateur lors des repérages, voire lors de l’écriture. Puis, on sensibilise les chefs de postes impliqués dès la préparation, mais aussi les partenaires, prestataires, fournisseurs. Éco-produire un film, c’est l’affaire de tout un écosystème, pas uniquement une société de production.
D’un point de vue environnemental, il est souvent très long de faire changer des habitudes. En même temps, il faut se tenir au courant des alternatives écologiques innovantes. Il est nécessaire de mesurer son impact écologique ; une personne référente dans l’équipe et un accompagnement externe permet de faciliter l’adoption de bonnes pratiques, d’outils, de solutions, et également de mesurer concrètement les résultats concrets notamment en utilisant le Carbon’Clap, calculateur de CO² que propose Ecoprod.

D’un point de vue strictement budgétaire, force est de constater que de nombreux producteurs ont compris que le coût de l’inaction était supérieur à celui de l’action ; par l’évolution du cadre règlementaire national et régional et les risques de ne pas s’adapter à temps au nouveau contexte mondial. L’éco-production, à l’instar des démarches mises en œuvre dans d’autres secteurs d’activités, se résume à produire plus sobrement, en phase avec une responsabilité écologique individuelle et collective. Il s’agit de repenser les modes de transport, favoriser des achats responsables, etc. sans que ce soit au détriment de la dimension artistique. L’aspect budgétaire est donc un levier plutôt qu’un frein ! Et pour preuve, des études de l’ADEME, de WWF et d’autres organismes démontrent des économies budgétaire réelles grâce notamment à l’éco-conduite, aux économies d’énergie, et l’alimentation flexitarienne… 
Pour conclure, chaque producteur devrait considérer l’écologie dans son mode de production car comme disent les spécialistes du développement durable : « il n’y a pas d’entreprise qui gagne dans un monde qui perd. ».

Entretien avec Salvo Manzone, réalisateur de « Fenêtre sur déchets ».

Ce film a remporté le Prix Spécial Ecoprod lors de Deauville Green Awards en juin 2018.

Pourquoi avez-vous choisi d’aborder le thème des déchets ?

Les déchets constituent notre impact direct sur l'environnement. Il est presque complètement de notre ressort d'agir dessus, à la différence d'autres secteurs comme la production d'énergie, ou la production industrielle qui sont gouvernés par les pouvoirs publics. 
De plus, les ordures ménagères sont le résultat final de notre style de vie. Ce sont le miroir de notre mode de consommation, de notre façon d’utiliser les ressources naturelles. J’estime que les déchets peuvent être un levier puissant pour agir sur nos autres impacts.

Personnellement, depuis plus de 10 ans, les déchets sont ma préoccupation principale, suite notamment à la crise de déchets à Palerme, ma ville natale. J'ai choisi donc de partir de ce contexte pour faire un documentaire sur l'interaction entre la responsabilité individuelle et collective. « Fenêtre sur déchets » se présente comme une réflexion profonde et percutante sur notre rapport personnel aux déchets.
Pour ce faire, j'ai voulu partir des problèmes pour arriver à des solutions, notamment celles que propose l’association Zero Waste. Le sujet des déchets n’étant pas attirant en lui-même, j’ai choisi de m’orienter vers un documentaire certes militant mais aussi empreint de légèreté et d'ironie.

Comment avez-vous réduit l'impact de votre tournage ?

Tout d’abord, même s’il s’agissait de traiter un problème planétaire, j’ai pris comme point de départ un lieu géographiquement très proche : la vue depuis ma fenêtre ! 
Cela a bien évidement simplifié la logistique de la production. J’ai également sélectionné certains membres de l’équipe en suivant le même critère de proximité géographique : la plupart vivaient à Palerme, le lieu principal du tournage, voire à côté de l’appartement concerné.

Pendant la préparation et le tournage, j’ai optimisé les longs voyages du planning. Par exemple, même si l’un des personnages du film, Paul Connett, est américain, le calendrier a été organisé afin de le filmer lors de ses conférences déjà prévues en Italie. Cela a évité de longs vols transatlantiques.

L’équipe était composée de 5 personnes maximum pour effectuer les déplacements en co-voiturage avec une seule voiture. Pour la nourriture, nous avons privilégié les repas dans des restaurants, plutôt que les livraisons ou les fastfoods qui utilisent toujours des assiettes et couverts jetables.

J’ai imposé à l’ingénieur du son d’utiliser, contrairement à ses habitudes, exclusivement des piles rechargeables pour les microphones et la mixette. 

De façon générale, nous avons cherché à éviter l’achat de produits neufs, pour une utilisation limitée dans le temps, et avons privilégié la location.

Finalement beaucoup de ces actions Ecoprod permettent à la fois une économie de ressources naturelles et d’argent.
En tant que responsable de la mise en place des mesures Ecoprod, j’ai largement sensibilisé l’équipe sur les déplacements optimisés, la limitation du jetables, le tri des déchets, la consommation électrique réduite, etc. L’équipe a pu constater que, une fois mises en œuvre de façon cohérente, ces procédures fonctionnaient parfaitement et naturellement.

Que vous a apporté la formation Ecoprod ?

Elle m'a permis de connaitre d'autres outils et leviers notamment ceux mis en place sur des productions plus importantes. Cette formation m’a également fourni des arguments solides afin de pouvoir convaincre davantage de partenaires et même les membres de l'équipe. On a vu également l'importance de mesurer l'impact CO² de la production de films, via notamment le Carbon Clap, qui permet de réduire progressivement ses émissions de gaz à effet de serre, et ce de manière scientifique.

 

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