#Backtoschool avec la réalisatrice Caroline Huppert !

Ajouté le 18 juil. 2022, par Florence Batisse-Pichet
#Backtoschool avec la réalisatrice Caroline Huppert !

La réalisatrice Caroline Huppert : " c’est un métier très difficile, mais combien exaltant."
La réalisatrice Caroline Huppert :
La réalisatrice Caroline Huppert : " c’est un métier très difficile, mais combien exaltant." ©Carole BellaÏche

Le hashtag #Backtoschool est le fil conducteur du dispositif Un Artiste à l’École. Lancée en 2012, cette association repose sur une initiative pédagogique et culturelle, imaginée par Pascal Rogard, le directeur général de la SACD. Des élèves peuvent rencontrer des artistes ayant fréquenté leur établissement scolaire. Pour l’année scolaire 2021-2022, une trentaine de professionnels ont accepté l’expérience. La réalisatrice Caroline Huppert a accepté de confier son témoignage à Audiens Le Média.

Quelle a été votre réaction à l’idée d’une intervention dans le lycée de votre jeunesse ?

Cela m’intéressait de rencontrer des lycéens d’aujourd’hui. J’ai fait mes études secondaires au lycée de Saint-Cloud mais je n’y étais jamais retournée.

Quels souvenirs en avez-vous ?

Enfant puis adolescente, j’habitais Ville-d’Avray, où il n’y avait encore ni collège, ni lycée. Je suis entrée à 10 ans en 6ème, au lycée de Saint-Cloud, le seul de la région. Le lycée était tout neuf, encore en construction. Certains cours avaient lieu dans des « préfabriqués » posés au hasard du vaste chantier ! Les filles et les garçons étaient séparés, dans des bâtiments différents. Les élèves venaient parfois de loin. Avec les critères d’aujourd’hui, on dirait que c’était un très bon lycée, et l’ambiance était bonne. En rencontrant les élèves et leurs professeurs, j’ai pu constater que ça n’avait pas changé, à part la mixité, et aussi le fait qu’il n’y a plus de collège. Maintenant, les élèves entrent en seconde, et il y a un taux élevé de réussite au bac… mais il y a toujours quelques préfabriqués dans la cour, devenue un joli jardin avec une très belle vue sur Paris.

Qu’avez-vous éprouvé sur place ?

C’était très émouvant. En outre, cela donne une indication sur le fonctionnement de la mémoire. Quand je suis arrivée dans la cour, je me suis souvenue de l’escalier où mes camarades et moi, demi-pensionnaires, passions de longs moments après le déjeuner à bavarder ou à finir nos devoirs. Or cet escalier m’a semblé bien plus petit, comme s’il avait rétréci ! 

Un souvenir de vos professeurs ?

Les profs étaient dans l’ensemble excellents mais je dois dire que le cours de grec était très ennuyeux. Heureusement, le dictionnaire Bailly était énorme, je le posais debout, ouvert sur ma table, et je pouvais cacher à l’intérieur des livres de poche qui m’intéressaient davantage ! La prof n’y voyait que du feu. Je suis devenue nulle en grec, mais bonne en littérature ! 

Y-avait-il un thème précis à votre rencontre avec les élèves ?

Il y a eu un processus de préparation en amont : les deux professeurs d’histoire, volontaires pour l’organisation de cette rencontre, m’ont demandé de leur soumettre quelques titres de mes téléfilms. C’est « Pour Djamila » qui a été retenu. Ce film se déroule pendant la fin de la guerre d’Algérie, une période douloureuse de l’histoire récente que les professeurs souhaitaient évoquer avec leurs élèves de terminale.

Le pitch de ce film ?

Il relate le procès pour terrorisme de la jeune militante algérienne Djamila Boupacha, défendue par Gisèle Halimi. Avant d’être connue pour son engagement pour la cause des femmes, Gisèle Halimi s’était impliquée dans la défense des militants du Front de libération nationale (FLN). La défense de Djamila Boupacha a été son premier procès important et médiatisé. Gisèle Halimi a été soutenue par Simone de Beauvoir et plusieurs intellectuelles de l’époque qui militaient pour l’indépendance de l’Algérie. Dans le cadre de la préparation de ce film, j’ai eu la chance de rencontrer Gisèle Halimi, une personnalité extraordinaire. C’est Marina Hands qui interprète son rôle, et Hafsia Herzi celui de Djamila. 

Comment s’est déroulé votre échange avec les élèves ?

Il y avait deux classes de terminale, soit une soixantaine d’élèves, encadrés par l’une des professeures qui avait préparé la rencontre. L’échange s’inscrivait dans le cadre d’un cours et ne devait pas dépasser une heure. La professeure a introduit le débat, qui a porté essentiellement sur le film, son scénario, et sa réalisation. J’ai trouvé les élèves passionnés et leurs questions très pertinentes. Les garçons se sont particulièrement intéressés à la réalisation des délicates scènes qui évoquent les tortures subies par la jeune Djamila lors des interrogatoires. Ils ont été surpris par le long travail préparatoire et la précision des gestes que ce genre de séquence implique ! Car évidemment, la violence des séquences est totalement artificielle, il n’était pas question de faire subir à la jeune actrice le moindre geste déplacé, c’est du cinéma, tout est truqué ! Oui, cet aspect technique a étonné les garçons. Les filles se sont davantage intéressées aux motivations de Djamila et à son courage de résistante. 

Avez-vous pu identifier si certains d’entre eux allaient s’orienter vers des métiers de l’image ou du journalisme ?

Ils ne se projettent pas encore dans l’avenir. Leur objectif est surtout de décrocher le bac et de s’orienter vers de bonnes études. Mais étais-je différente à 16 ou 17 ans ? J’aimais le cinéma en tant que spectatrice, mais j’aimais aussi le dessin et la peinture, que je pratiquais chez un peintre. Après mon bac, j’ai voulu préparer une école de cinéma. Et pourtant, je suis entrée en fac d’histoire et dans une école de journalisme. Vous voyez, j’étais hésitante ! J’ai trouvé normal que les élèves le soient aussi.

Un témoignage qui vous a frappée parmi des réactions ?

Une jeune fille est venue me voir après la rencontre, déjà dans la nostalgie d’un désir refoulé. Plus jeune, elle aurait voulu devenir cinéaste, mais ce métier lui semblait trop aléatoire. Je l’ai encouragée à y repenser un plus tard. Les concours d’entrée aux écoles de cinéma sont difficiles et exigent une bonne culture générale. Il vaut mieux faire deux ou trois ans de fac avant de les tenter. 

Votre intérêt pour la culture vient-il de votre période du lycée ?

Mes professeurs ont joué un grand rôle : j’ai eu notamment en classe de seconde une professeure d’histoire charismatique qui a stimulé mon goût pour cette matière. L’environnement de la ville de Saint-Cloud était favorable à la culture. Le cinéma de Saint-Cloud programmait des très bons films, et j’y allais souvent avec mes copains. Dans cette banlieue ouest, il y avait beaucoup de familles nombreuses. Cela favorisait entre nous un brassage stimulant. On allait ensemble à Paris au théâtre, au TNP (Théâtre National Populaire), voir des pièces politiques, ou à la Comédie française, découvrir une culture plus classique.

Le souvenir d’un événement marquant durant votre scolarité ?

Il y a eu beaucoup ! Celui-ci a été plus important qu’il n’en a l’air : quand j’étais en terminale, Le Rotary Club de Saint-Cloud a organisé un « concours d’éloquence » ! On devait préparer et dire deux discours. Le gagnant serait accueilli pour une semaine à Londres, une ville que je rêvais de visiter. J’ai préparé mes textes avec acharnement. A la finale, je me suis retrouvé la seule fille face à six garçons… et j’ai gagné ! Plus tard, je me suis demandé si cela n’avait pas favorisé ma réflexion féministe ! Quand on veut absolument atteindre un but, qu’on soit une fille ou un garçon, on peut y arriver !

Le choix d’une carrière artistique était-il un contrepied par rapport à vos parents ?

Je ne crois pas. Parmi nos aïeules, il y avait quatre sœurs originaires d’Auvergne (nous étions également quatre sœurs !). Dans les années 1900, celles-ci avaient lancé leur maison de couture. Grâce à leurs dons pour le dessin et leur talent des affaires, elles ont connu une réussite extraordinaire jusqu’à la Guerre de 14-18. Cet exemple a je crois incité notre père à être très féministe : il était persuadé que, comme ces brillantes aïeules, nous réussirions une belle carrière. Ma mère qui était cultivée et parlait quatre langues, pensait davantage au bonheur de ses filles, sans pouvoir en définir précisément les ingrédients !

Entre le cinéma et l’histoire, comment avez-vous choisi votre carrière ?

Les mères pressentent parfois des choses que leurs filles ignorent. Elle trouvait que j’avais une grande sensibilité artistique, qui devait s’exprimer, et comme elle aimait beaucoup le théâtre, elle m’a suggéré de faire partie d’un groupe de théâtre universitaire. J’ai adoré cette expérience. Après mon Bac que j’ai obtenu à 16 ans, mon père aurait voulu que je fasse du droit, sciences po, ce genre d’études, car il avait de grandes ambitions pour moi. Il trouvait dommage que je ne fasse « que » l’IDHEC (l'Institut des hautes études cinématographiques), ce que pourtant je voulais tellement faire. Nous avons transigé pour l’histoire. Mais après la maîtrise, j’ai stoppé net. Je voulais revenir à mon rêve de théâtre ou de cinéma. J’ai rappelé mes copains cinéphiles pour leur demander des conseils et au même moment ma sœur devenait actrice… À partir de là, je me suis formée sur le tas, en enchaînant les stages.

Un conseil pour des jeunes qui aimeraient s’orienter vers le cinéma ?

Réalisatrice, c’est un métier très difficile, mais combien exaltant ! Il n’y a toujours pas autant de filles que de garçons qui réussissent dans cette carrière. A la télévision et au cinéma, environ 20 % des films sont réalisés par des femmes. Il faut dire que si on a des enfants, ce n’est pas facile, car on est souvent loin de chez soi. Mais j’ai quand même eu trois enfants, et ils sont tous « dans le métier » ! Avoir une mère réalisatrice ne les en a pas dégoûtés, au contraire ! Un conseil ? avant de se lancer, il faut être passionné, aller au cinéma, à la cinémathèque, être curieux de tout, se cultiver, et tenter de faire une grande école de cinéma. Et puis avec les téléphones portables, on peut créer des images, réaliser des court- métrages, s’exercer, s’exprimer. C’est un fameux rodage !

Votre actualité ?

Actuellement, je suis vice-présidente de la SACD pour la réalisation audiovisuelle. C’est la société de gestion collective des droits d’auteurs pour le spectacle vivant et l’audiovisuel créée par Beaumarchais, qui assure la protection morale de nos œuvres, et aussi leur rémunération.  Beaumarchais lui-même disait : « Il faut créer, mais aussi dîner ! » 

Pour aller plus loin : 

L’association en résumé :

  •  Date de création : 2012. Portée dans ses premières années par La Culture avec la Copie Privée, l’association Un Artiste à l’École est créée fin 2017, avec le parrainage du ministère de la Culture. Elle compte parmi ses membres les grandes sociétés de gestion collective du paysage culturel : la SACD et l’association Beaumarchais (membres fondateurs), l’ADAGP, la SAIF, la SCAM, l’ARP, l’ADAMI et la SACEM ;
  •  155 rencontres scolaires organisées depuis dix ans ;
  •  Près de 15 000 élèves de 8 à 18 ans touchés par le dispositif ;
  •  Lors de l’année scolaire 2021-2022, partout en France, plus d’une trentaine d’artistes sont intervenus dans l’école, le collège où le lycée dans lequel ils ont étudié, partageant leur parcours, leur expérience avec les élèves.

Plus d'informations sur l’association : ici.  

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