À l’origine de la scénothérapie : émotions et textes littéraires

Ajouté le 05 févr. 2020, par Florence Batisse-Pichet
À l’origine de la scénothérapie : émotions et textes littéraires

« L’expression scénique » méthode nouvelle psychothérapique est née à Versailles.
« L’expression scénique » méthode nouvelle psychothérapique est née à Versailles.
« L’expression scénique » méthode nouvelle psychothérapique est née à Versailles. ©Sophie Fournier

Pour dénouer des situations douloureuses ou retrouver confiance en soi, le recours à l’art-thérapie est un réflexe acquis. Nombreuses sont les disciplines artistiques à avoir développé des pratiques s’appuyant sur la danse, la musique, la photo, la peinture, le cirque… La médiation par des textes littéraires porte un nom : la scénothérapie. Explications par Geneviève Lullier, responsable de la formation au sein de l’association Melithem.

De quand date la scénothérapie ?

Tout est parti d’Émile Dars qui a fondé la Société Française d’Expression Scénique-Scénothérapie (SFES) dans les années 60. Puis sa méthode a été théorisée dans les années 1989-90 à partir d’un travail que j’ai mené avec Sylvie le Huche, en s’appuyant sur les concepts fondamentaux de la psychanalyse. Nous avons alors créé un cycle de formation pour permettre la transmission, l’évolution des conceptions théoriques et la diversification des champs d’application. 

Qui était Émile Dars et comment a-t-il mis en place cette méthode ?

Comédien et professeur d’art dramatique à Versailles, Émile Dars (1901-1980) a été le directeur artistique du Théâtre du Vieux Colombier à Paris. Après des études d’orthophonie, il a aussi exercé la psychothérapie en cabinet privé et en institution hospitalière. En menant une observation approfondie sur le comportement de ses élèves comédiens, il s’est rendu compte de l’influence des textes littéraires à travers leurs rôles. Le texte les touchait, les motivait. Estimant que cette méthode pouvait être bénéfique, il s’est rapproché de plusieurs psychiatres. De sa collaboration étroite avec les spécialistes de la santé mentale est née l’expression scénique comme une forme originale de médiation thérapeutique par les textes littéraires. À l’époque, l’approche comportementale s’adresse à des personnes ayant des difficultés à se mouvoir et à s’exprimer. 

Vous-même avez suivi des séances d’expression scénique avec Émile Dars, cette rencontre a-t-elle été déterminante dans votre parcours ?

J’avais 20 ans. Étudiante en psychologie, je suivais une psychothérapie. Ayant des difficultés à m’affirmer, ma psy m’avait conseillé de suivre des séances d’expression scénique avec Émile Dars. Celui-ci me faisait lire des textes en lien avec ma problématique et faire des exercices scéniques. Comme j’avais commencé un stage avec des ados en difficulté, j’ai pu tester avec eux la méthode et en voir l’efficience. J’ai alors décidé de me former en individuel et en groupe. Psychologue clinicienne, j’ai travaillé plusieurs années à l’hôpital de jour, auprès d’enseignants en invalidité, au sein du centre de santé mental de la MGEN, la méthode de Bars étant déjà pratiquée dans leur l’hôpital de La Verrière. J’ai ensuite accompagné des adolescents atteints de troubles du comportement dans le cadre du ministère de la Justice. 

Dans quel contexte une scénothérapie est-elle recommandée ?

Qu’il s’agisse d’un travail analytique ou de développement personnel, cette méthode peut s’appliquer dans diverses situations : elle peut être complémentaire d’une psychanalyse pour relancer la parole et l’élan vital. Ou bien lorsque des personnes ont des difficultés à prendre la parole. Dans le cas d’états dépressifs, ce travail permet de revitaliser la pensée du patient : il y a des mécanismes psychiques d’identification dans la lecture d’un texte.

Quels sont les professionnels qui s’appuient sur cette méthode ?

De nombreux orthophonistes utilisent cette méthode, ou bien encore des gériatres, dans les cas de début de démence. Des enseignants appliquent aussi la médiation des textes littéraires en milieu scolaire. Les cliniques psychiatriques ou encore les maisons de retraite y ont recours. Seule nuance nécessaire, quand on se situe en milieu scolaire, hospitalier, carcéral ou dans une maison de retraite, on emploie les termes d’ateliers de parole, de lecture ou d’expression scénique mais jamais celui de scénothérapie. 

Quelle est la particularité de cette méthode ?

Sa souplesse. C’est une thérapie qui s’adapte au cadre dans lequel elle intervient : on aménage la façon de pratiquer en fonction des publics et des objectifs. La base reste celle des extraits de textes littéraires et le modèle analytique en toile de fond, sauf évidemment dans le cas du développement personnel. D’où la nécessité pour les personnes formées de prendre en compte le milieu à travers des mises en situation pour apprendre différents modes d’intervention. 

Comment se déroule une séance en individuel ?

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La séance dure 45 mn. On présente quatre textes. Le patient en choisit un ou plusieurs puis il exprime ce qu’il ressent ; il les associe ou non à sa propre histoire. C’est une méthode cathartique : le texte sert de masque. « Ce n’est pas moi qui parle : c’est l’auteur ! »  On écoute cette personne dans sa dialectique avec le texte ; puis lors de la séance suivante, le scénothérapeute choisit des textes qui reprennent les dires et les émotions, pour aller plus loin encore et amener un travail d’élaboration. Cette phase de sensibilisation dure quatre séances à l’issue desquelles on fait un point pour savoir si cette méthode convient ou pas. Parfois une autre médiation comme la musique, la photo, etc. s’avère plus adaptée. Généralement, avec des adolescents, on part sur une cure de 3 mois, jamais plus. Avec un adulte, cela s’étale une petite année.

Et dans le cas d’une séance de groupe ?

La séance dure 1 heure : le groupe est constitué de huit personnes au maximum. La consigne est la même : elles choisissent et prennent connaissance d’un ou plusieurs textes, les lisent à haute voix, expriment leur ressenti et l’associent éventuellement à leur propre histoire. Au début de chaque séance, on formule un objectif précis pour le groupe.

En quoi consiste le corpus de textes ? Est-il figé ou en évolution ?

Émile Dars avait puisé dans la littérature française et étrangère, la poésie et le théâtre : il avait recensé un ensemble de plus de 300 textes qu’il avait classés avec pour caractéristiques : leur brièveté et intelligibilité. Ils doivent dégager un « sentiment prévalent » : un thème, une émotion… Nous disposons d’un cahier de classification qui s’enrichit au fil des années avec des textes de la littérature contemporaine. Les adolescents que j’ai suivis, trouvaient que les extraits proposés n’étaient pas assez violents. Du coup, ils m’apportaient des paroles du groupe Trust ou des textes de rap. Nous avons eu un débat au sein de l’association, certains d’entre nous considérant que ce n’était pas de la littérature. Au final, l’objectif était que les adolescents puissent s’exprimer.

 

Pour en savoir plus et trouver un praticien :

Le site Melithem, société française de médiation par les textes littéraires
Accompagnement Audiens

À lire : 

De l'art dramatique à l'expression scénique, Émile Dars et Jacques Beaujon (Édition Denoël, 1975)
Expression scénique : parole, plaisir et poésie, Jean Guilhot, Sylvie Le Huche, Josette Perceau, Chantal Radiguet (Éditions ESF, 1989)


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