Avec 1 lettre, 1 sourire : le lien intergénérationnel en marche !

Ajouté le 09 nov. 2022, par Florence Batisse-Pichet
Avec 1 lettre, 1 sourire : le lien intergénérationnel en marche !

« 1 lettre, 1 sourire », prix « Générations » de la fondation Audiens Générations - 6 octobre 2022. La lauréate Aliénor Duron aux côtés de Maud Franca.
« 1 lettre, 1 sourire », prix « Générations » de la fondation Audiens Générations - 6 octobre 2022. La lauréate Aliénor Duron aux côtés de Maud Franca.
« 1 lettre, 1 sourire », prix « Générations » de la fondation Audiens Générations - 6 octobre 2022. La lauréate Aliénor Duron aux côtés de Maud Franca. ©Erwan Floc’h

Depuis 2007, la Fondation Audiens Générations - Institut de France récompense des initiatives culturelles traduisant une solidarité active entre les générations. Parmi les quatre lauréats dévoilés lors de la cérémonie du 6 octobre 2022, l’association « 1 lettre, 1 sourire » a obtenu le Prix Générations, doté de 10 000 euros.


Aliénor Duron a 25 ans. Diplômée en data sciences, elle travaille dans le secteur de l’informatique. En parallèle, elle s’implique depuis 2020 dans l’association 1 lettre, 1 sourire qu’elle a lancée avec sa fratrie et ses cousins, lors du premier confinement. Explications sur son ambition pour que l’association démultiplie les sourires aussi bien chez les personnes âgées que les plus jeunes.

Quelle est la genèse de l’association 1 lettre, 1 sourire ?

Mon oncle qui travaille pour une fondation en lien avec des EHPAD, avait observé les effets catastrophiques de la solitude et le syndrome de glissement. C’est en échangeant avec lui, que mes frères et sœurs, ainsi que mes cousins (nous sommes deux fratries de cinq), avons pris conscience de l’impact du confinement. Les EHPAD avaient été confinés 15 jours avant ! Dans le flou général, nous avions du mal à réaliser ce qui se jouait. Alors que la situation devenait alarmante, nous avons eu envie d’aider nos anciens. 

Comment souhaitiez-vous les aider ?

Passionnée depuis toujours par la correspondance, j’ai eu l’idée de lancer un projet autour de l’envoi de lettres. Je l’ai soumise à ma fratrie et à nos cousins. C’était le 14 mars 2020 : nous l’avons concrétisée 5 jours après, par la création d’un site relayé par les réseaux sociaux. Alors que toute notre génération se sentait dépourvue : l’idée du site 1 lettre 1 sourire était de faciliter une participation auprès de tous ceux qui voulaient aider les personnes âgées isolées.

Cette passion pour les lettres, de quand date-t-elle ?

Cette passion de recevoir et d’écrire des lettres, je l’ai acquise depuis mes années en pension. Lorsque j’en apercevais une dans mon casier, c’était un pur moment de joie. Je la mettais dans mon sac à dos ; j’attendais le soir d’être dans mon lit pour l’ouvrir et la lire avant de la poser sur ma table de nuit. Je partageais cette passion avec mes cousins car nos grands-parents nous envoyaient des cartes postales. Ce n’étaient pas de longues lettres mais cela nous a profondément marqués, parce que chaque carte nous était adressée personnellement ! Or quand on est enfant, on a besoin de se sentir reconnu. Je garde d’ailleurs ce réflexe : je continue d’écrire des cartes et des lettres.

Quel est le concept de 1 lettre, 1 sourire ?

Pendant le 1er confinement, le projet était 100% digital :  tout se faisait strictement en ligne. On transmettait les courriers par mail aux EHPAD afin que les animateurs les impriment et les distribuent. Puis on s’est adapté avec les levées de restriction. Ma grande sœur étant comédienne, elle et sa troupe faisaient des lectures interactives : un comédien lisait une lettre et cela permettait un échange. D’autres bénévoles sont ensuite allés lire des lettres dans des EHPAD.

Comment cela fonctionne-t-il ?

Concernant la lettre écrite via le site, elle peut être diffusée partout dans le monde. Le digital permet en effet cette mise en relation mais le destinataire est aléatoire. Toutefois, chaque lettre est relue au préalable par nos centaines de bataillons de volontaires : ils vérifient la bienveillance des contenus (on évite les sujets religieux et politiques !) afin de faciliter le travail des animateurs et de protéger la sensibilité des personnes âgées. Heureusement, dans la grande majorité, rien de tel ne se produit ! Même s’il peut y avoir une réponse en retour - certains laissent un numéro de téléphone ou une adresse mail -, l’objectif n’est pas de créer un échange. Enfin, concernant les lettres écrites dans le cadre scolaire, cela relève de l’autonomie des enseignants qui les envoient ensuite aux EHPAD de leur ville.

Pouvez-vous nous donner un aperçu de ces lettres ?

Au départ, on recevait des lettres de 4 lignes et d’autres pouvant aller jusqu’à 28 pages : on a dû imposer une limite de à une à deux pages. Outre les contraintes d’impression, le but est que la lecture reste digeste tant pour les animateurs que pour les résidents. Les contenus sont généralement basiques et le ton, formel. Le tutoiement et le vouvoiement alternent. Les thèmes portent sur les voyages, la famille et la routine du quotidien. Souvent les personnes se décrivent. L’en-tête « Coucou chère Madame » est celle la plus utilisée. Cela va donner : « Je t’écris parce que ma journée est un peu morose et je suis content de passer un moment avec toi… »

Aujourd’hui, comment le concept a-t-il évolué ?

Le confinement a mis en lumière un souci d’isolement, subi toute l’année par les personnes âgées des EHPAD. De même, des milliers de jeunes confiaient qu’ils avaient besoin de recevoir des avis et conseils et d’interagir avec les plus âgés. L’association s’est donc diversifiée autour du lien intergénérationnel, afin qu’une transmission s’opère entre eux. Si l’envoi de lettres reste central, on l’a adapté et élargi. 

Concrètement, quel autre type d’animation proposez-vous ?

Nous avons signé un partenariat avec l’Éducation nationale pour 3 ans renouvelable, l’idée étant de jumeler chaque établissement scolaire de France avec un EHPAD de proximité, afin d’organiser des rencontres. Nous avons réussi à jumeler 800 écoles. Pour l’instant, il s’agit d’un jeu littéraire sur le thème de Jean de La Fontaine, autour d’un binôme intergénérationnel (un enfant et une personne âgée). Cette aide est très stimulante dans l’apprentissage d’une fable. Et parce que la lettre reste centrale dans notre approche, ma grande sœur écrit un spectacle avec des extraits de lettres, destiné à être joué dans les EHPAD. Le ticket d’entrée sera d’écrire une lettre !

Des témoignages marquants durant le confinement ?

Je me souviens de ce monsieur en EHPAD depuis 3 ans, qui n’avait plus ni famille, ni contact avec l’extérieur. Les lettres de notre association étaient les premières qu’il avait reçues ! Il confiait que lorsqu’il avait le cafard, il les relisait et il se couchait, le sourire aux lèvres. Il y a aussi l’exemple de cette personne qui, à la fin de sa lettre, mentionnait que son père était en EHPAD : elle ne lui avait pas rendu visite depuis plusieurs mois et cela l’avait poussée à l’appeler pour prendre de ses nouvelles. Certaines animatrices pleuraient d’émotion en lisant les lettres et elles prenaient le soin de les choisir en fonction de la personnalité de chaque résident.

Pourquoi la lettre est-elle à ce point source de lien ?

En s’ouvrant dans une lettre, c’est comme une mini-thérapie. L’expérience est aussi intéressante pour celui qui l’écrit que celui qui la lit. Même si certains résidents ont de la famille, il y a comme une coupure car parfois, ils n’ont plus rien à se dire. La lettre permet de renouer les liens en devenant l’objet de la conversation. Il faut aussi comprendre que dans ces établissements, le temps perd de son sens car c’est toujours un peu la même routine : recevoir une lettre ponctue le temps. 

Comment est organisée l’association ?

Nous étions au départ dix cousins, entre 14 et 24 ans. Aujourd’hui, la plupart a repris ses études. Ceux qui, comme moi, continuent à s’impliquer, sont bénévoles. C’est ma maman qui assure l’administration. Notre objectif est de rester en association mais en salariant une équipe.

Votre ambition ?

Pour que les plus âgés retrouvent un sens à leur journée et que chaque enfant puisse se sentir aidé dans sa scolarité, j’aimerais que tous les EHPAD soient jumelés avec des établissements scolaires. 

 

Chiffres clés

  • Depuis la création en mars 2020, 1 million de lettres envoyées aux 1 600 établissements seniors destinataires inscrits dans 10 pays, dont 90% en France, sur les 7 353 EHPAD de l’Hexagone.
  • 800 établissements scolaires inscrits sur la plateforme pour écrire et envoyer régulièrement des lettres dans le cadre du programme scolaire. 

 

Pour apporter votre soutien à 1 lettre, 1 sourire : 1lettre1sourire.org 
Pour en savoir sur le prochain appel à candidature qui sera lancé au printemps 2023 : www.fondationaudiensgenerations.org

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