Comment apprivoiser le silence : le témoignage d’Émilie Devienne

Ajouté le 11 févr. 2021, par Florence Batisse-Pichet
Comment apprivoiser le silence : le témoignage d’Émilie Devienne

Emilie Devienne, auteure du livre « Savourons le silence » (Éditions Eyrolles, 2020).
Emilie Devienne, auteure du livre « Savourons le silence » (Éditions Eyrolles, 2020).
Emilie Devienne, auteure du livre « Savourons le silence » (Éditions Eyrolles, 2020). ©MaPhotoPortrait

Dans son nouvel ouvrage « Savourons le silence » (Éditions Eyrolles, 2020), Émilie Devienne invite comme l’indique le sous-titre à « se reconnecter à soi quand le bruit détruit ». Ancienne journaliste, cette coach accréditée titulaire de la Société Française de Coaching » et enseignante, passe en revue le silence sous tous ses aspects. Elle aborde ses vertus comme ses risques, avec moult références bibliographiques et entretiens d’experts, tout en proposant une approche pratique en huit chapitres, comme autant de chemins d’apprentissage. Un entretien sans détour, ponctué de ces silences dont elle a l’art.

D’où vous vient cet intérêt pour le silence ?

Petite fille en parlant de moi, on disait que j’étais « une enfant de pape » ! Aujourd’hui, bien qu’extravertie, j’ai un besoin viscéral de silence, de moments de calme et de solitude. Il est un critère essentiel dans mon quotidien. À travers mon métier de journaliste puis celui de coach, j’en ai aussi mesuré le rôle. C’est donc un sujet que je porte en moi depuis très longtemps. Et puis, j’ai été confrontée à des acouphènes lors d’une méningite et cet épisode a renforcé mon besoin de silence. Cet ami de toujours s’est alors imposé à moi et j’ai proposé aux Éditions Eyrolles d’en faire un livre. 

À votre avis, pourquoi notre société est-elle devenue si bruyante ?

Le silence est impalpable : il a quelque chose d’initiatique. Il peut aussi faire penser à la mort qui est devenue tabou ! Or nous sommes dans une société de remplissage, dominée par les émotions et la peur du vide : il faut produire sans cesse et remplir le corps et l’esprit. J’espère que cette pandémie va permettre une prise de conscience. 

Le silence a des vertus mais comme vous le rappelez en première partie de votre livre en citant diverses études, il peut détruire… 

Au-delà des pollutions sonores - dont le scandale des écouteurs pour les oreilles des enfants -, je rappelle les effets pervers de certains silences : il y a certes le silence thérapeutique mais aussi un silence qui détruit dans le cas des secrets de famille ou de l’attitude de certains managers… 

Comment faire l’expérience du silence ?

Le silence, c’est se taire mais ce n’est pas l’absence de bruit ! Il s’agit de le mettre à la bonne place pour ne pas se laisser envahir par des bruits insidieux. C’est à chacun de le savourer, selon le moment ou son besoin de silence, qui peut d’ailleurs être ponctuel. En outre, ce n’est pas un luxe de bobos ! Nombreuses sont les possibilités de savourer le silence gratuitement : on n’est pas obligé de partir aux confins de la planète pour vivre l’expérience du silence, ou de réserver une cure dans un lieu chic et luxueux. Par exemple, j’ai adoré mes retraites de silence dans des monastères. L’important, pour avoir accès à un silence de qualité, c’est d’assumer ce désir. Une petite anecdote : je suis en grande marcheuse et, justement pour satisfaire mon besoin de silence, je n’hésite pas à dire aux autres dans le groupe, que je les rejoindrai à la pause, mais que là, sur le chemin, je reste dans ma bulle. De la même façon, les treks que j’ai effectués, j’ai préféré les suivre, seule ou avec mon mari, sans groupe. 

Au quotidien, comment parvenez-vous à donner de la place au silence ?

Au réveil, jamais de radio ! Je commence par me remettre en connexion avec le monde. Je reste tranquille et seule, à l’écoute de la vie qui reprend et des petits bruits environnants : des volets métalliques qui se replient à l’ouverture, le chauffage, une personne qui descend la cage d’escalier... J’ai la chance d’habiter près d’un parc : quand je marche, c’est toujours sans écouteur. De même dans les TGV, après quelques paroles de courtoisie échangées avec mon voisin, je mets mon casque sans son pour éviter un risque de bavardage. Mon métier est d’être dans la relation et pour ce faire, je dois me ménager des temps de ressourcement. Ainsi après une journée de travail, avant de démarrer ma soirée, quand j’ai enchaîné plusieurs séances de coaching, j’ai besoin d’un temps de silence : aucune conversation, pas de musique… On ne peut être bien que si on est nettoyé énergétiquement.

Quels avantages a-t-on à côtoyer le silence ?

Le bruit a des conséquences dramatiques sur notre santé ainsi que le montrent les neurosciences et le dénoncent des organismes comme l’OMS. Donc, le premier avantage, c’est de limiter les dégâts ! D’autre part, l’apprivoiser, c’est reprendre contact avec soi pour mener une vie plus proche de qui nous sommes vraiment. 

Vous évoquez aussi largement le silence dans l’art…

Le rapport étroit des créateurs avec le silence est l’un de aspects qui m’a le plus enthousiasmée. Je cite entre autres le film de Pierre Granier-Deferre, Le Chat qui montre un couple de retraités interprété par Simone Signoret et Jean Gabin : ils ne se supportent plus au point qu’ils ne communiquent que par petits bouts de papier… jusqu’à de petites phrases étincelantes comme celle de Christian Bobin qui confiait à Augustin Trapenard dans l’émission Boomerang : « Écrire, c’est parler à l’intérieur du silence. »

Quelle satisfaction vous a procuré la publication de ce livre ?

Alors que l’on est dans une société de bruit et d’extraversion, ce livre permet de décomplexer les personnes en quête de silence. Il soulève la question de sa normalité. Je reçois de nombreux messages et j’ai notamment en tête celui de quelqu’un qui m’écrivait : « Grâce à vous, je m’autorise le silence. » Ou celui de cette cadre qui venant de démissionner pour un nouveau poste m’a confié : « J’ai pris 15 jours et je pars seule : c’est votre livre qui m’en a donné l’idée. » Enfin, je remarque que les nouvelles personnes que je coache m’ont repérée grâce à ce livre et elles éprouvent le besoin d’en parler au cours de la séance. 

Un réflexe ou un conseil ?

Si je fais l’apologie du silence, je n’occulte pas les mauvais silences, ceux qui détruisent ou ceux qui isolent. Pour les premiers, libérer la parole est fondamentale, à l’instar de nombreuses initiatives récentes ; pour les seconds, il faut rompre la solitude en acceptant les mains tendues par des associations par exemple. Quant aux personnes en perte d’audition, comme le recommandent les ORL, s’appareiller le plus tôt possible est indispensable. Enfin, pour les silences heureux, les silences bénéfiques, mon premier conseil est : l’essayer c’est d’adopter ! Et mon livre propose de nombreuses suggestions pour tenter l’expérience en fonction de sa personnalité et de son humeur.


Le saviez-vous ?*

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  • Paris est l’une des villes les plus bruyantes du monde, en 9e position après Pékin (6e) et Mexico (8e) et en 2e position européenne après Barcelone. 
  • L’OMS recommande en 2018 de ne pas dépasser le seuil 53 décibels en journée et 45 décibels durant la nuit, en ce qui concerne le trafic routier. (…) L’organisme considère que les nuisances sonores constituent une pollution aux impacts négatifs sur la santé, immédiatement après la pollution atmosphérique.
  • Le bruit vécu ou subi quotidiennement augmente l’impact de certaines pathologies du système cardio-vasculaire (hypertension et infarctus du myocarde).
  • Les niveaux sonores élevés l’école peuvent entraîner un retard dans l’acquisition du langage (écrit et parlé).


*Extrait du livre « Savourons le silence », pages 21, 22, 23 et 24.

 

Pour en savoir plus : www.emilie-devienne.com
Savourons le silence, Émilie Devienne, Éditions Eyrolles
 

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