Daniel Picouly : le goût de la transmission

Ajouté le 12 avr. 2021, par Florence Batisse-Pichet
Daniel Picouly : le goût de la transmission

Daniel Picouly, écrivain, animateur et scénariste de bandes dessinées.
Daniel Picouly, écrivain, animateur et scénariste de bandes dessinées.
Daniel Picouly, écrivain, animateur et scénariste de bandes dessinées. ©Erwan Floc’h

Écrivain, animateur, scénariste de bandes dessinées, Daniel Picouly vit à travers les mots et les livres. À 72 ans et même en période de Covid, il garde son âme d’enfant, débordant d’énergie et de projets, toujours soucieux de transmission et d’exemplarité. Car cet ardent défenseur d’une culture accessible pour tous, n’oublie pas le chemin parcouru. Tour d’horizon de ses actualités et de son regard sur notre époque…

Vous avez rejoint l’équipe de Laurent Ruquier sur RTL…

Avec la période de confinement et la privation des salons et manifestations littéraires, j’ai un peu plus de temps. C’est ainsi que j’ai accepté de rejoindre Les Grosses Têtes depuis janvier. Tous les exercices audiovisuels m’amusent mais je suis un bizu qui a encore besoin d’apprendre ! 

De quand date votre vocation d’animateur ?

Quand j’étais gamin, je rêvais d’être commentateur sportif, de devenir un Raymond Couderc ou un Raymond Marcillac ! Mais sur le petit écran, je ne voyais aucun présentateur qui me ressemblait. En étant animateur, j’ai le sentiment que ça peut aider des gamins de tous âges. De la même manière, quand j’étais prof en banlieue dans des quartiers difficiles, j’incarnais un possible pour ces gosses. Toutes ces activités médiatiques ont une fonction de représentation et d’exemplarité. 

Comment avez-vous vécu d’arrêt de France Ô et de votre émission littéraire « Page 19 » ?

Alors que la diversité reste une préoccupation, je n’ai pas compris la logique, ni l’urgence de supprimer France Ô. Cela me peine, de même que la disparition de nombreuses émissions et pastilles littéraires. Je suis un enfant de la télévision : elle a été mon université populaire et j’y ai appris des choses phénoménales. Elle était le prolongement des « Hussards » qui avaient une mission. 

Comment avez-vous vécu le premier confinement ?

J’ai ressenti le désir d’une chevauchée et le besoin de grand air avec l’envie de partager des histoires. Alors je me suis lancé avec des amis comédiens, dans le récit d’un combat épique destiné à un feuilleton radiophonique. Même si ce projet a retardé les autres qui étaient en cours, c’était vital. Chaque matin, je voulais faire vibrer mes personnages, dans une espèce de folie romanesque.

Dans votre roman « Longtemps, je me suis couché de bonheur », vous rendez un hommage à La Recherche… 

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À quinze ans, on ne sait pas pourquoi on écrit, surtout quand on est dans un milieu où personne ne le fait : Proust m’a ouvert la voie et cette liberté. Je raconte la naissance de l’écrivain : comment en 24h, un gamin d’une cité s’est ainsi mis en mouvement vers l’écriture. Parce que je considère avoir été élevé au bonheur, je dois le rendre et le partager. Mon père m’avait dit un jour : je rêve de payer des impôts ! J’y ai pensé très fort. Cet argent que j’ai coûté à la société, aujourd’hui, je le restitue.   

Un petit avant-goût de votre prochain livre ?

Alors que je bois très peu et que j’ai une perception aigüe de la santé, j’ai fait une autobiographie à travers mon rapport au vin, au fil des étapes de ma vie. J’évoque ma maîtrise absolue de ne pas y céder, entre méfiance, défiance et tentation, et tout ce qu’on apprend sur soi, ses goûts, sa volonté… Je me souviens de ma mère qui m’avait mis en garde très jeune, en comparant les attraits du vin au chant des sirènes. C’est un récit singulier et salutaire et sans doute par pudeur, celui que j’ai eu le plus de mal à écrire. 

Avez-vous peur de vieillir ?

J’ai eu des parents qui sont partis tôt : élever treize enfants, ça fatigue ! D’ailleurs, je trouve scandaleux d’avoir vécu vingt ans de plus que mon père qui est mort à 51 ans. Par chance, depuis toujours, on ne me donne par mon âge et je parais plus jeune. C’est pendant le confinement que je me suis aperçu que j’étais vieux : on annonçait que les personnes à partir de 70 ans étaient à risque et dans le même temps, j’étais trop jeune pour me faire vacciner ! 

Vous sentez-vous marathonien ?

Comme tous les comédiens et les professionnels de télé, je fais attention : nous avons un métier d’apparence très physique, dans un milieu de tentations. Mais d’une certaine mesure, ça nous protège pour assurer ! Quand j’ai joué en 2012 mon seul en scène au théâtre « La faute d’orthographe est ma langue maternelle », j’ai senti que c’était une épreuve d’endurance. 

Vos rituels forme ?

Chaque matin, je fais un petit inventaire de mes douleurs : cervicales, genoux… Je vérifie la balance pour garder la ligne puis j’enchaîne vélo, gymnastique et un gainage chronométré. Cela fait partie de la vie : il faut se surveiller. C’est un réflexe depuis toujours. D’ailleurs quand j’ai eu ma fille à 50 ans, je me suis dit que je voudrais danser le rock avec elle pour ses 20 ans : pari tenu ! 

Vous aviez décrit dans votre roman « Quatre-vingt-dix secondes », la catastrophe du volcan de la montagne Pelée ensevelissant Saint-Pierre de la Martinique en 1902… Que vous évoque la Covid-19 ?

La pandémie est d’une ampleur bien plus grande que celle d’un volcan mais ce sont les mêmes mécanismes à l’œuvre, dans la gestion de pénurie. Comme pour la montagne Pelée, on voit l’importance des scientifiques et des politiques démunis qui proposent des solutions sous contraintes. On va peut-être apprendre des choses mais sans certitude. C’est étonnant comme on est oublieux.

Essentielle, la culture est une des victimes collatérales du Covid-19…

Il est désespérant de se retrouver à dire que la culture est importante. Quand celle-ci s’effrite quelque part, on en pâtit tous. Parmi les miracles, il y a celui des livres. On n’avait pas identifié ce besoin profond de lire, d’autant qu’on est sous équipé en matière de liseuses en France. Ainsi les libraires ont presque fait une année normale. En revanche, quand les cinémas ont ré-ouvert en juin, on pouvait être seulement six ou sept en salle, alors que les consignes de sécurité étaient respectées. L’épidémie comporte des conséquences économiques et culturelles : il y a des choses encore possibles et d’autres irréversibles, si on s’installe dans une temporalité. Le risque pour le cinéma est d’assister à une substitution vers des plateformes comme Netflix. En revanche, je suis moins inquiet pour le théâtre. 

Vous qui êtes d’un naturel optimiste, des lueurs d’espoir ? 

L’élément positif que j’ai constaté pendant le confinement et qui va changer le rapport à la culture, c’est la vague des podcasts, des vidéos… Désormais les moyens techniques permettent à chacun de devenir producteurs de contenus. C’est un mouvement irrévocable. De même que s’est renforcée la captation de spectacles, comme cela était déjà pratiqué avant pour les opéras, et j’espère que cela va se développer. On pourra alors s’abonner et avoir accès à la culture chez soi. C’est ce à quoi on assiste actuellement avec les visites virtuelles de musées et d’expositions. Peut-être est-ce ici une opportunité d’augmenter de production culturelle, si elle est de qualité, et d’en démocratiser l’accès, partout en France.

 

Bio express

  • Naissance le 21 octobre 1948 dans une famille d’origine martiniquaise.
  • 1996 : reçoit le Grand Prix des lectrices de Elle pour Le Champ de personne.
  • 1999 : reçoit le Prix Renaudot pour L’Enfant Léopard.
  • 2000 : renonce à l’enseignement et se consacre à l’écriture.
  • 2005 à 2008 : présente l'émission culturelle Café Picouly sur France 5.
  • 2011 à 2020 : animateur de plusieurs émissions sur France Ô.
  • 2021 : Membre des Grosses Têtes sur RTL.
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