Emmanuelle Gendrot : le parcours et le quotidien d’une maquilleuse

Ajouté le 28 mai 2019, par Florence Batisse-Pichet
Emmanuelle Gendrot : le parcours et le quotidien d’une maquilleuse

Créer un effet de fausses blessures sur la main grâce au maquillage.
Créer un effet de fausses blessures sur la main grâce au maquillage.
Créer un effet de fausses blessures sur la main grâce au maquillage. ©Lucy Winkelmann

Métier de l’ombre, la maquilleuse met en lumière. Pour comprendre les facettes de ce métier artistique qu’elle exerce depuis plus de 10 ans, Emmanuelle Gendrot, 35 ans, nous a confié ce qui l’anime dans son quotidien fait de rencontres aussi intimes qu’extraordinaires. Tenue au secret de loge, elle ne citera qu’un seul nom, et non des moindres, Jean d’Ormesson. Motus.

Quelle est la formation pour devenir maquilleuse ?

On a rarement besoin de fournir un CV quand on exerce un métier artistique comme celui de maquilleuse. Il n’y a pas de diplôme d’État : il est donc possible d’être autodidacte, même si désormais les écoles privées pullulent. La plupart proposent des formations sur 1 un ou 2 ans : on y apprend les bases du maquillage de cinéma, de scène (théâtre, opéra…), artistique (maquillage enfant, body painting...), mode, etc...

Comment définir le rôle du maquilleur ?

Un maquilleur peut sublimer et mettre en valeur un regard, une bouche, un sourire... Quand on est sur un film corporate ou un plateau télé, on répond surtout à des besoins que la technique impose : il s’agit notamment de matifier et de hâler le teint de peau selon l'intensité des éclairages. Parfois, au contraire, il est amené à créer un personnage de toute pièce, en transformant les expressions du visage. 
Dans ce cas, costume, coiffure et maquillage fonctionnent ensemble comme les pièces d'un même puzzle.

Selon les secteurs, y-a-t-il des spécialités ?

Le maquilleur doit être en mesure de répondre à toutes les demandes, mais chacun peut avoir ses spécialités et ses préférences aussi. Certains excellent par exemple en « body painting ». Être maquilleur c'est allier technicité et créativité.
On peut distinguer les maquilleurs qui travaillent dans l’audiovisuel avec le jeu des caméras ; de ceux qui travaillent pour la scène et le spectacle vivant et enfin, des maquilleurs effets spéciaux. Ces derniers maîtrisent d’autres compétences (moulage, sculpture, chimie, etc.). Parfois le maquilleur est amené à réaliser de « petits »  effets spéciaux sans un travail préalable en atelier (marquer des cernes, faire un teint cyanosé…).

Quel est votre parcours ?

Ce fut plus un cheminement qu’une vocation, d’autant que petite fille, j’étais allergique aux produits de maquillage ! Faute d’intégrer une école d’arts appliqués, je me suis d’abord inscrite en fac d'histoire de l’art. Puis je me suis intéressée au conseil en image, ce qui m’a orientée vers le maquillage. J’ai alors fait un BTS esthétique et cosmétique en deux ans, au cours duquel j’ai eu la révélation, lors d’une démonstration par une maquilleuse professionnelle. Séduite par le rythme de vie qu’elle décrivait : ce fut une évidence ! J’ai fait mes armes à Lyon sur de premiers courts puis longs métrages : c’est sur le terrain qu’on évolue et découvre les différents milieux.

Pouvez-vous nous décrire votre journée type ?

Il n’y a pas de journée type. En fonction de nos habitudes et de l’ampleur du projet, on se déplace avec une grosse valise ou une simple mallette. Selon la mission en cours et afin de ne pas être pris au dépourvu, il faut s’assurer que le matériel dont on aura besoin est toujours prêt et propre (éponge, pinceaux, etc.). Quand je travaille pour la télé, il arrive que les produits soient fournis par la chaîne : je ne prends alors que mes pinceaux.

Quel est le salaire de base ?

Il y a des grilles tarifaires avec des minima qui différent selon les milieux (télé, cinéma, opéra.) et les statuts - chef ou assistant maquilleur. Mes tarifs dans l'audiovisuel se situent entre 200€ et 250€ brut la journée. Ce salaire n'inclut pas le budget pour renouveler mon matériel.
Les produits professionnels étant très chers, c’est à nous de nous organiser pour faire un fond de roulement et les faire financer par les productions qui nous emploient au moyen de factures ou par une enveloppe de « location »  journalière. Quand par exemple, une production m'appelle pour deux jours de tournage, elle m'indique son enveloppe globale pour le poste de maquilleur, la teneur du projet, le nombre de comédiens et/ou d'intervenant, il faut ensuite budgéter distinctement le montant des produits. C’est parfois une affaire de négociation.

Pouvez-vous nous décrire un tournage ?

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     ©Lucy Winkelmann

Sur un tournage, l’équipe maquillage au complet comprend le chef maquilleur, l'assistant et les renforts ponctuels. Le chef a la responsabilité du pôle maquillage et donc de la création des maquillages, en accord avec le réalisateur. Il doit s’assurer que les maquillages soient raccords sur toutes les séquences du film. D’une séquence à l’autre, n'étant pas tournées chronologiquement, il faut savoir retrouver le même maquillage. Pour cela, on tient un classeur avec des photos raccord que l’on imprime et range au fur et à mesure. Il peut arriver que quelques mois après un tournage, le réalisateur demande à tourner à nouveau une séquence dont il n’est pas satisfait. Pour un « retake », mieux vaut conserver son classeur jusqu’à la sortie du film. On ne met pas seulement de la poudre sur le nez !

Dans quel secteur exercez-vous ?

Dans l’audiovisuel au sens large. J’alterne entre télé, pub, web, fiction, un peu d’événementiel, de films corporate et ponctuellement du spectacle vivant. Au fil du temps, il y a une fidélisation d’un certain nombre de productions et de partenaires. Et puis, il y a la petite famille des maquilleurs au sein de laquelle on s’échange en confiance les missions selon nos disponibilités.

Que pouvez-vous dire du statut d’intermittent du spectacle ?

C'était comme briguer un diplôme. Bénéficier de ce régime d'indemnisation pour la première fois, il y a 10 ans, a été pour moi une réelle victoire, presque une reconnaissance ! Depuis le travail appelle le travail et je l'ai dès lors toujours renouvelé ! Pour pouvoir profiter de ce régime, il faut avoir cumulé un minimum de 507 heures de travail déclarées sur 12 mois. On peut prétendre alors jusqu'à 243 jours d’allocations. Ce système est perfectible mais il reste très protecteur pour artistes et techniciens, c'est une spécificité française ! 

Qu’est-ce que vous aimez dans votre métier ?

Ce n’est pas tant d’avoir les mains dans la poudre et les blushes, mais surtout d’avoir des journées qui ne se ressemblent pas et de faire sans cesse de nouvelles rencontres. C’est une stimulation quotidienne. Si certains sont fascinés par les paillettes et les people, je suis plus sensible à la richesse des rencontres qui me nourrissent sur les tournages : un jeune écrivain, un artiste de renom, un religieux, un collègue technicien, un expert en lithothérapie… ! Même si j’ai beaucoup d’anecdotes autour de personnalités, les ambiances de tournage et le travail en équipe sont plus importants à mes yeux.

Quelles sont les qualités nécessaires ?

Il y a bien sûr l'aspect technique mais l’humain compte au moins tout autant si ce n'est plus. C’est un métier qui demande de la psychologie. En cela, il faut faire appel à son ressenti, notamment sur les projets de longue haleine comme les tournages. Sentir si un acteur a besoin d’échanger ou au contraire de rester en silence, est une affaire de feeling. Il faut savoir être caméléon, et se faire discret, particulièrement en plateau de cinéma. La capacité à s’adapter est essentielle. 

Hommes ? Femmes ? Qui préférez-vous maquiller ?

C’est différent mais je n’ai pas de préférence. La peau est comme une toile.  Les codes en matière de beauté dans notre société sont évidemment plus sobres chez les messieurs. En revanche, j’ai un vrai plaisir à maquiller les peaux burinées, qui ont un vécu, qui racontent quelque chose, comme celles des personnes d’un certain âge.

Quelle est votre plus grande satisfaction ? Votre pire souvenir ?

Je garde des souvenirs de moments difficiles quand j’ai démarré, et parfois de stress intenses mais je n'ai pas en mémoire d'expériences vraiment malheureuses. Avoir maquillé Jean d’Ormesson reste évidemment un souvenir fort de rencontre. Mon premier long métrage était un film d‘époque fantastique d’une réalisatrice néo-zélandaise. Il m'a profondément marquée.  C’était un défi fort stimulant pour la toute jeune maquilleuse que j'étais. J'ai découvert à ce moment-là les techniques de patine, je m'en suis donnée à coeur joie à créer des paysans et autres ouvriers viticoles crédibles !

Comment envisagez-vous votre métier dans l’avenir ?

J’aimerais me rapprocher de l’aide à la personne. Le maquillage peut être un moyen d'accompagner des personnes fragilisées par différents accidents de la vie : un chômage longue durée, une maladie, un accident… J’ai envie de trouver un nouveau souffle et un sens autre à mon métier, ne plus être nécessairement dans le beau ou le récréatif.
 


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