La Fondation Audiens Générations remet le prix “Innovation” à Atlas V pour le projet Empereur

Ajouté le 03 nov. 2022, par Flore Cathala-Pierson

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Empereur, prix « Innovation » de la fondation Audiens Générations - 6 octobre 2022.

Empereur, prix « Innovation » de la fondation Audiens Générations - 6 octobre 2022. ©Atlas V

Les prix de la Fondation Audiens Générations distinguent des initiatives tirant le meilleur parti du numérique pour développer la culture, la création, et le lien entre les générations. Le 6 octobre dernier, les prix ont été remis aux quatre projets sélectionnés par le jury.

Le premier prix, le prix “Innovation”, vient récompenser la société de production Atlas V pour Empereur, un projet d’expérience en réalité virtuelle qui raconte avec poésie un trouble du langage peu connu, touchant pourtant chaque année des dizaines de milliers de personnes : l’aphasie. La réalisatrice y part à la recherche d’un lien avec son père, touché depuis treize ans par cette maladie neurologique.

“Empereur”, c’est un mot prononcé à de multiples reprises par le père de Marion Burger sans qu’elle n’ait jamais pu comprendre pourquoi. Depuis son accident vasculaire cérébral il y a treize ans, celui-ci éprouve en effet de grandes difficultés à communiquer par le langage, dont la zone est lésée dans son cerveau. Marion avait 20 ans à l’époque et découvrait la réalité de l’aphasie, qui touche 30 000 personnes chaque année en France mais reste méconnue (il en a récemment été question un peu plus largement lorsque l’acteur Bruce Willis a révélé en être affecté et devoir interrompre sa carrière).

Aujourd’hui cheffe décoratrice dans le cinéma, Marion Burger cherche à créer un nouveau lien avec son père, par le biais d’une expérience de réalité virtuelle, à la fois narrative et interactive. Empereur, c’est donc aussi le titre de cette expérience, que Marion écrit et réalise avec son complice Ilan Cohen, qui permettra par le truchement d’un casque de réalité virtuelle de se mettre tour à tour dans la peau du père malade ou de sa fille. Elle est produite par la société Atlas V, studio de création d’œuvres et de contenus immersifs à la frontière entre l’audiovisuel, le jeu vidéo et l’art contemporain, créé il y a 5 ans. Ses productions, toujours des co-productions internationales, ont déjà été distinguées dans les plus importants festivals de cinéma et d’animation que sont Sundance, Tribeca, Venise, Annecy, ainsi que par des prix comme les Annie Awards ou les Emmy Awards. L’originalité d’Atlas V est de pouvoir assumer toute la chaîne de production, de la conception à la distribution, en associant technologies de pointe, histoires captivantes et exigence esthétique.

Par ce projet, Marion Burger veut mieux saisir la manière dont son père est à la recherche de ses mots perdus. Peu à peu, elle a compris qu’il fonctionne surtout par associations d’idées, pour lesquelles il a besoin de ses proches qui sont souvent les seuls à pouvoir comprendre les références à leur histoire commune, à des anecdotes familiales, à des souvenirs. Ainsi, pour évoquer le mot “canard”, il pourra dire “café” et “plage”, renvoyant à une habitude de l’enfance de sa fille, lorsqu’il lui permettait de tremper un sucre dans son café, pour faire un “canard”. Ce travail laborieux d’un cerveau altéré peut évoquer le cheminement d’un homme dans un pays inconnu et lointain, dont on est physiquement séparé lorsqu’on ne partage pas son handicap. Alors Marion décide de nous emmener dans ce pays, l’Aphasie, avec son père comme guide.

Pour soutenir cette ambition, une qualité très particulière et inventive d’image en noir et blanc a été élaborée, qui s’apparente à un crayonné ou à un film tour à tour surexposé ou très contrasté, projeté sur une épaisse feuille de papier Canson. Cette ambiance onirique renvoie au lointain mais aussi aux limites de nos sens et de notre mémoire, et immerge en douceur dans un monde où le corps n’est pas aussi fiable qu’on le voudrait.

Le dispositif narratif devient progressivement interactif, permettant à l’utilisateur d’agir dans le monde présenté en caméra subjective, assis puis debout, à l’aide de ses mains. Il permettra ainsi de créer des ponts de compréhension et d’empathie entre les personnes handicapées par l’aphasie et les personnes valides.

La productrice d’Empereur chez Atlas V, Oriane Hurard, explique que le financement de ce type d’œuvre, qui ne peut pas donner lieu à une exploitation ludique à la manière d’un jeu vidéo, est une gageure rendue possible par le soutien des financements publics (dans le cas d'Empereur, celui du Centre national du cinéma et de l’image animée, des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Sud), du service public (France Télévisions Story Lab) et par le biais d'une coproduction internationale (ici avec l'Allemagne). Quant au soutien représenté par le prix Innovation de la Fondation Audiens Générations, doté de 12 000€, il arrive à point nommé pour clôturer 3 ans de développement. Empereur va bientôt pouvoir entrer en production, et nécessitera environ 8 mois de travail au studio Albyon à Lyon (filiale d’Atlas V).

C’est donc a priori en 2023 que l’on pourra enfin vivre, en enfilant un casque de réalité virtuelle, l’aventure de Marion et de son père dans la contrée des mots perdus. Une histoire qui renvoie à toutes les aventures personnelles que sont nos relations avec nos parents ou avec nos enfants : les souvenirs que l’on crée ensemble, les émotions qui y sont associées, et les mots que l’on ne trouve pas toujours pour se le dire.

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