L’algologie ou comment prendre en charge la douleur

Ajouté le 19 oct. 2020, par Florence Batisse-Pichet
L’algologie ou comment prendre en charge la douleur

Tous les ans, le troisième lundi du mois d’octobre, l’Organisation mondiale de la Santé s’associe à la Journée mondiale contre la douleur.
Tous les ans, le troisième lundi du mois d’octobre, l’Organisation mondiale de la Santé s’associe à la Journée mondiale contre la douleur.
Tous les ans, le troisième lundi du mois d’octobre, l’Organisation mondiale de la Santé s’associe à la Journée mondiale contre la douleur. ©Henadzi Pechan

Au Pôle santé Bergère, l’équipe pluridisciplinaire de médecins permet au patient de bénéficier d’un accompagnement et suivi à travers une approche globale. Être à l’écoute du patient est essentiel, notamment quand il s’agit de comprendre les douleurs chroniques. Telle est l’expertise du Docteur Marie-Hélène Delmotte. Médecin généraliste formé à l’algologie, elle a rejoint le Pôle santé Bergère depuis le 1er juin dernier. Explications.

Comment doit-on vous appeler : algologue ?

Je préfère « médecin de la douleur » ou avec humour « bobologue » ! Aux États-Unis, ils disent « pain doctor » : docteur douleur ! De même, ils traduisent antalgiques par « pain killers » : les tueurs de douleurs. 

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Comment définir l’algologie ?

L’algologie est l’évaluation et la prise en charge des douleurs chroniques. Cela va de la migraine à la fibromyalgie en passant par une lombalgie chronique ou des cancers. Cette sur-spécialité est pratiquée par des généralistes, des anesthésistes, des rhumatologues, des neurologues, des pédiatres, des gériatres et plus à la marge, par quelques psychiatres. 

Quel est l’intérêt de consulter un algologue ?

Aujourd’hui, l’accès aux centres anti-douleur est devenu très difficile. Les délais sont en moyenne de 6 à 8 mois. En raison de réductions budgétaires, les médecins qui partent en retraite, ne sont pas remplacés. Une consultation en libéral permet d’apporter plus rapidement une évaluation et une prise en charge des patients. 

Quel est votre atout ?

Un expert fait de la douleur selon sa spécialité. Ma formation de généraliste me permet de m’occuper de toutes les douleurs en fonction des services - cancérologie, oncologie ou neurologie - où j’interviens. Nous sommes seulement deux médecins à Paris dans ce cas. 

Quelle démarche faut-il faire pour obtenir une consultation avec un algologue ?

Un généraliste ou un spécialiste peuvent orienter vers un algologue. La plupart du temps, le patient s’informe sur Internet pour identifier un centre anti-douleur, puis il consulte son généraliste afin de lui demander une prescription pour un rendez-vous.

Comment évaluer la douleur ?

La douleur est un phénomène complexe. Nous prenons nos patients dans la globalité : il n’y a pas la tête et le corps d’un autre côté. L’évaluation du patient utilise des échelles car s’il existe des thermomètres et des tensiomètres, le « douloromètre » n’existe pas. Pendant l’entretien, il s’agit de déterminer si la douleur est neuropathique (en cas de lésion nerveuse), nociceptive (liée à l’altération d’un cartilage par exemple ou d’origine cancéreuse. Ensuite, il faut en évaluer le retentissement sur la vie du patient - ce qu’on appelle l’évaluation bio-psycho-sociale -, et savoir ce qui a été déjà fait en matière de prise en charge et le cas échéant, passer à des techniques plus invasives.

Quelles sont les étapes suivantes ?

Même si les patients arrivent parfois en consultation avec un diagnostic déjà posé des examens complémentaires peuvent être nécessaires : imageries, examens neurologiques ou biologiques. Ensuite, il y a la partie traitement avec le recours à des antalgiques, des antidépresseurs, des antiépileptiques, de la morphine... Il existe également des techniques non médicamenteuses, encore peu connues et pratiquées pour certaines : l’acupuncture, la mésothérapie, l’hypnose, la stimulation électrique transcutanée, la kinésithérapie, la stimulation magnétique transcrânienne répétitive (TMS) ou les stimulations médullaires. L’algologie est une discipline très ouverte : certains services utilisent également la musicothérapie. 

Quels sont les résultats obtenus ?

Actuellement, on est plutôt sur 30 % à 70 % d’amélioration qui changent la vie de nombreux patients ! J’ai des résultats incroyables. Ainsi, une jeune femme qui avait gardé des séquelles douloureuses après une opération d’une hernie discale, a pu reprendre son service : une vraie réussite. La motivation du patient est clé. Certains patients ont besoin de leur douleur comme une reconnaissance intra-familiale ; d’autres, après un accident du travail, recherchent des bénéfices secondaires. Il faut le savoir et le repérer rapidement, pour ne pas proposer des traitements invasifs qui ne fonctionneront jamais.

Quel est le profil des patients ?

En gros, le pic de consultations se situe entre 50 et 70 ans. Mais j’accompagne aussi bien de jeunes adolescents souffrant de migraines qui les handicapent pour faire leurs études, que des adultes actifs, victimes de migraines ou de douleurs dorsales. 

Quels sont les effets de la période Covid chez certains patients ?

Tous nos douloureux vont infiniment moins bien : le stress et l’angoisse inhérents à la pandémie sont des facteurs aggravants des douleurs. Ceux qui suivaient séances de kiné ou de TMS en ont été privés du jour au lendemain. 

La douleur a-t-elle un coût ?

En raison de réductions budgétaires, les médecins qui partent en retraite, ne sont pas remplacés. Mais le nombre de patients en arrêt suite à un accident de travail prolongé, en invalidité à cause de hernies discales… représente un coût monstrueux. Alors que l’impact socio-économique est énorme, les budgets alloués à la douleur dans les milieux hospitaliers fondent comme neige au soleil. 

Quelle serait la solution ?

Il y a un déficit de formation des médecins généralistes. Dans les cursus habituels, la douleur est très peu enseignée en faculté : elle intéresse comme un symptôme positif mais n’est pas leur problème. Une bonne formation des généralistes pourrait faire gagner du temps s’ils nous envoyaient leurs patients.

Quelle est la situation de la France par rapport à ses voisins européens ?

Elle est en retard par rapport aux pays anglo-saxons où il existe des cliniques de la douleur. Historiquement, tout a commencé, dans les années 80, aux EU, avec l’épidémie de Sida qui touchait les jeunes. Grâce à des associations qui ont fait bouger les choses, l’ouverture des unités de soins palliatifs a été rendu possible.

Quelle relation a-t-on avec la douleur : est-ce culturel ou sociétal ?

Autrefois, avoir mal faisait partie de la vie : les femmes devaient souffrir pour enfanter et il fallait offrir ses souffrances à Dieu. La prise en charge de la douleur est en lien avec notre héritage judéo-chrétien qui a marqué des générations. Si depuis, les années 80, la douleur est devenue intolérable, aujourd’hui, on assiste à l’effet inverse : il y a une mise à distance de la de la maladie et de la mort. On ne meurt plus entouré des siens mais à l’hôpital. Le risque d’une société qui prône le bonheur et la positive attitude, met en difficulté les gens douloureux qui n’osent pas le dire.

 

Quelques chiffres1

  • 12 millions de Français souffrent de douleurs chroniques.
  • 70 % d'entre eux ne reçoivent pas un traitement approprié pour leur douleur.
  • Une personne sur cinq souffre de douleurs chroniques modérées à fortes.
    La douleur rend une personne sur trois incapable ou difficilement capable de mener une vie indépendante. Une personne sur quatre rapporte que la douleur perturbe ou détruit ses relations avec sa famille et ses amis, selon l’IASP2 et l’EFIC.
  • En France, les 260 structures de la douleur (centres ou consultations) accueillent, chaque année, environ 400 000 patients. 
     

1 Source Livre Blanc sur la Douleur publié en 2017 par la SFETD

2 La International Association for the Study of Pain (IASP) est une association professionnelle internationale qui promeut la recherche, l'éducation et les politiques pour la connaissance et la gestion de la douleur.



Le saviez-vous ?

Il existe une journée mondiale de la douleur. Tous les ans, le 3e lundi du mois d’octobre, l’Organisation mondiale de la Santé s’associe à la Journée mondiale contre la douleur. Selon l’OMS, le traitement de la douleur et les soins palliatifs font partie intégrante du droit à jouir d’une bonne santé.

 

Pour en savoir plus, consulter les sites suivants :

La Société Française d’Étude et Traitement de la Douleur (SFETD).
Le site du ministère des solidarités et de la santé (prise en charge douleur).
Le docteur Marie-Hélène Delmotte consulte au Pôle santé Bergère.

 

Cet entretien est initialement paru dans notre magazine Audiens Art de vivre n° 62 d'octobre 2020.
Pour découvrir le magazine, c'est ici :

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