Laurence Bachman : Une carrière au service de la fiction et un engagement pour la place des femmes dans l’audiovisuel

Ajouté le 14 oct. 2020, par Florence Batisse-Pichet
Laurence Bachman : Une carrière au service de la fiction et un engagement pour la place des femmes dans l’audiovisuel

Laurence Bachman : Co-présidente de l’association “Pour les Femmes dans les Médias”.
Laurence Bachman : Co-présidente de l’association “Pour les Femmes dans les Médias”.
Laurence Bachman : Co-présidente de l’association “Pour les Femmes dans les Médias”. ©Wlad Simitch Capa Pictures

Co-présidente de l’association “Pour les Femmes dans les Médias” (PFDM), Laurence Bachman a organisé une table ronde le 18 septembre dernier avec le Festival de la Fiction de La Rochelle dont Audiens est partenaire avec L’INA. Retour sur son parcours de productrice de fictions pour la télévision et engagée dans la parité hommes-femmes dans l’audiovisuel et les médias.

À quand remonte dans votre parcours, la prise de conscience d'un plafond de verre ? 

L’univers de la production est un métier difficile. Personne ne me l’a appris, d’autant qu’au départ, j’étais chercheuse au CNRS : je n’étais pas préparée à l’entreprenariat. C’est grâce à un détachement au CNC que j’ai appris et découvert le métier de productrice. Je me suis retrouvée face à des hommes, et même si c’était assez violent, je fonçais. Je ne me rendais pas compte que j’en faisais plus que ces derniers qui, eux, me challengeaient. C’est avec la fatigue de la vie et a posteriori que je réalise qu’il y avait un plafond de verre. Sur le moment, on intériorise terriblement. 

Vous étiez précurseur dans la profession ?

Je me sentais comme une pétroleuse ! Dans le club de producteurs dont je faisais partie, il n’y avait alors que des hommes : nous étions les seules femmes avec Fabienne Servan-Schreiber, Pascale Breugnot et Simone Harari Baulieu

Un regret ?

Le succès rapide d’Alya, ma société de production, dérangeait les mecs ! C’est ce que j’ai ressenti quand je l’ai vendue, peut-être trop tôt d’ailleurs. Mais personne n’est venu me conseiller : des hommes auraient certainement fait autrement… 

Vous avez été responsable de la fiction de France 2 (2000-2004) et depuis 2005, vous êtes Directrice Générale du Groupe TelFrance et de Barjac Production. Quel a été le moment de votre carrière qui a illustré ce fossé entre hommes et femmes ?

À France 2, quand je dirigeais la fiction, j’étais leur égal et les producteurs m’aimaient bien parce que j’étais perçue comme une femme qui ne pratique pas la langue de bois, une passionaria, d’autant que je me bagarrais au sein d’un syndicat. Pourtant même si de mon point de vue, j’exerçais le pouvoir le plus justement possible : je l’ai payé cher par la suite car la plupart de mes potes producteurs n’ont pas supporté que j’ai eu l’ascendant sur eux. 

Avant de rejoindre l’association « Pour les Femmes dans les Médias » (PFDM), vous sentiez-vous féministe ?

Françoise Laborde et moi, nous sommes rencontrées à France 2 : elle était journaliste politique et rédactrice en chef, et moi directrice de la fiction. Dès qu’elle a lancé l’association en 2012, elle était alors en poste au CSA et moi à TelFrance, je l’ai rejointe. Mais avant cet engagement au sein de PFDM, je considère que durant toute ma vie, j’ai été féministe sans être militante : quasi toutes mes fictions parlent de problématiques des femmes. Que ce soit dans des séries polar ou des unitaires, j’ai produit beaucoup de films avec des héroïnes femmes. En tant que productrice femme, j’ai mis dans mes fictions beaucoup de mes combats et de mes rêves.  

Si l’on fait un flash-back rapide sur votre conséquente filmographie, vos coups de cœur ?

Ma carrière a été marquée par de très belles rencontres et aventures. Étant très bon public, j’ai toujours aimé concilier la production de films d’auteur avec des séries populaires. Je suis par exemple fière d’avoir produit Crimes en série, le premier profiler en France, avec notamment Pascal Légitimus, ou plus récemment Cassandre et Nina. Et parmi les films récents, je pense à Pour Djamilla réalisé par Caroline Huppert en 2012, Moi grosse qui traite de l’obésité… 

En quoi consiste votre implication au sein de PFDM ?

Il y a deux ans, Françoise Laborde m’a proposé de lui succéder à la présidence : j’ai alors constitué un binôme avec Bouchera Azzouz qui en est la co-présidente. Cela prend du temps mais c’est passionnant. Notre bureau est constitué d’une bande de dix filles très sympathiques. Ensemble, nous réfléchissons à la signature de chartes, assurons des présences au Sénat et à l’Assemblée, ; nous animons des tables rondes dans des festivals comme récemment pour le Festival de la Fiction… sans négliger la recherche de financements nécessaires pour consolider l’association. 

Vous sentez-vous mentor ?

Vu que j’appartenais à une génération spontanée, il n’y avait pas d’accompagnement ou de coaching. Nous devons faire évoluer l’environnement masculin qui joue avec les femmes et les codes. Encore trop souvent, elles s’excusent car elles ne se sentent pas légitimes. C’est pourquoi, à travers l’association, on a commencé à mettre en place des ateliers de mentoring : en 2020, nous étions 15 mentors et mentee.  

La mise en place de quota est-elle la solution ?

Nous sommes pour des quotas momentanés. D’ailleurs tous les pays qui sont plus en avance que la France, sont passés par cette étape. Seulement 12 % de fictions ont été réalisées par des femmes entre 2008-2018 : ce chiffre mis en avant dans l’étude menée par l’INA est à ce titre significatif. Pour aller plus loin, nous avons en tête une étude avec le CNC qui consisterait à compter tous les chefs de poste afin de distinguer la part d’hommes et de femmes dans les différents métiers (chefs op, ingénieur son, costumière, etc.).  

Une satisfaction ?

Nous avons obtenu la signature d’une « charte de bonne conduite contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes dans les médias ». Lors de son lancement en mars 2019, elle avait été signée par 18 diffuseurs dont France Télévisions, Disney, TF1, Canal +, M6 ou Radio France... Cette année, ils étaient 60 à signer dont 58 hommes et seulement deux femmes ! Certains ont reconnu qu’ils n’y auraient pas pensé !  

Votre prochain défi ?

Il importe surtout de faire évoluer les mentalités sinon on n’y arrivera pas. C’est pourquoi, on prévoit un chantier visant à réfléchir autour d’un un indice de l’égalité. Dans cette perspective, nous rencontrons prochainement notre nouvelle ministre de la Culture Roselyne Bachelot et Élisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’Égalité femmes-hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances. On espère les convaincre de la mise en place d’une nouvelle charte « parité mode d’emploi »

Pour en savoir plus : www.pfdmedia.fr

 

Le secteur culturel se mobilise

Dans le prolongement de la cellule d'écoute psychologique et juridique active depuis le 15 juin en collaboration avec le Ministère de la Culture, le CNC, la Fesac et cinq organisations syndicales, Audiens annonce l’ouverture de la consultation médicale "Emprise" au sein du Pôle santé Bergère.

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