Quand danse rime avec résilience…

Ajouté le 25 avr. 2022, par Florence Batisse-Pichet
Quand danse rime avec résilience…

Fabienne Haustant, danseuse et créatrice de l’association « Danse les yeux fermés ».
Fabienne Haustant, danseuse et créatrice de l’association « Danse les yeux fermés ».
Fabienne Haustant, danseuse et créatrice de l’association « Danse les yeux fermés ». ©Morgane Dbrd

Chaque année, depuis 1982, est célébrée la journée internationale de la Danse (29 avril) et celle de la mobilité et de l’accessibilité (30 avril). C’est à travers le parcours de Fabienne Haustant, danseuse malvoyante, à l’origine de l’association « Danse les yeux fermés » qu’Audiens Le Média a voulu placer ces deux dates, résolument sous le signe du mouvement !

Quel rôle, la danse a-t-elle joué par rapport à votre handicap visuel*?

La danse est mon mode d’expression : je la vis comme un langage à part entière. Elle est un moyen de survie et m’a sauvé la peau. Danser me rend valide et me permet d’accepter mon handicap. Sans la danse, je ne sais pas ce que je serais devenue. D’ailleurs, j’aime souvent dire que je suis née en dansant et que je mourrai en dansant !

@marylinefontaine-1.JPG©Maryline Fontaine 

*C’est seulement à l’âge de 13 ans, qu’on va diagnostiquer chez Fabienne une rétinite pigmentaire. Elle perd progressivement la vue.

À quand remonte cette passion ?

À trois ans, j’ai le souvenir des adultes dansant au milieu du salon, chez ma tante. Alors qu’ils étaient épuisés, je pouvais me dandiner sur la musique, pendant des heures. Par la suite, dans les centres de loisirs, je m’amusais à créer des chorégraphies. Créer est naturel pour moi. La puissance du mouvement que j’ai ressenti dans mon corps, m’a permis de me réfugier dans mon imaginaire. Le fait d’avoir été empêchée dans ma passion - ma mère a refusé que je suive des cours de danse - m’a d’autant plus motivée. 

Autodidacte, vous avez démarré très jeune sur scène, tout en masquant votre handicap…

Je puise ma force dans le présent, en prenant les événements tels qu’ils se présentent. À 16 ans, je suis partie de chez moi, après avoir été prise dans un casting au Folie’s Pigalle. Puis, j’ai enchaîné les tournées et les clips, malgré mon handicap, avec parfois quelques petites chutes dont je jouais ! Ainsi, sans jamais avoir suivi de cours, j’ai travaillé pendant des années comme danseuse professionnelle. Mais ma maladie évoluant, il m’a fallu me réinventer. J’ai alors voulu transmettre ma passion en créant mes propres ateliers. Soucieuse d’afficher une exigence de professionnalisme, il me fallait passer par la case école !

Comment avez-vous vécu cette confrontation avec l’enseignement de la danse ?

Toujours rebelle et avec la même niaque, je voulais me confronter aux plus grands. Je me suis alors inscrite à la plus grande école de danse pop ; la Juste Debout School ; j’ai également suivi des cours avec Marie-Claude Pietragalla et son mari à leur École du Théâtre du Corps à Alfortville, et au Studio Harmonic. C’était ma façon d’accepter mon handicap visuel et de comprendre la danse autrement mais ce fut un sacré boomerang ! En outre, étant atteinte d’endométriose, je vivais cet apprentissage comme un hobby pour moins souffrir ! Il m’arrivait d’enchaîner six heures de cours dont beaucoup de barre au sol avec Cathy Laymet. On n’a rien sans rien. 

Comment avez-vous été accueillie par les professeurs ?

Alors que le handicap en fauteuil peut avoir sa place, le handicap visuel déstabilise les professeurs de danse. Je leur demandais qu’ils s’expriment en images pour m’aider à comprendre. Mais parce qu’ils ont chacun une identité, j’ai dû m’adapter à leurs langages, avant d’apprendre leurs chorégraphies. Que ce soit chez Marie-Claude Pietragalla et son mari Julien Derouault, et la plupart de mes profs, j’ai toujours trouvé une écoute bienveillante. J’éprouvais de la fierté à suivre leurs cours. Leur enseignement m’a nourrie.

Parlez-nous de « Danse les yeux fermés », l’association que vous avez créée en 2012, et de votre méthode singulière… 

Quand on m’a refusé le diplôme me permettant devenir professeur de danse, je n’ai pas baissé les bras. J’ai rebondi en passant mon Bafa (brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur). Au final, je me suis autorisée à proposer des ateliers « à ma façon », ouverts à tous, non-voyants et voyants, avec un bandeau. Ils sont une invitation à venir dans mon monde.

Quel en est le concept ?

Qui que tu sois, quel que soit son vécu ou son histoire familiale, tu as ta place ! « Danse les yeux fermés » signifie : ferme les yeux et regarde-toi à l’intérieur ! C’est faire accoucher le meilleur de soi à travers le corps. Par moment, je coupe la musique pour mieux écouter les corps et les énergies. Ainsi quand je fais de la sensibilisation à la danse, dans les collèges, j’entends les pas bien lourds des ados…

Quels sont les bénéfices de vos ateliers ?

Les personnes qui suivent mes ateliers retrouvent confiance et vitalité en elles, et ce à tout âge ! Certaines les suivent depuis le début. J’ai reçu de beaux témoignages, comme celui de cette jeune femme qui a eu le courage de changer de travail. Ou encore celui de cette senior atteinte de la maladie de Parkinson, qui m’exprime les bienfaits qu’elle ressent dans son corps pourtant diminué.

Pourquoi avoir voulu créer un atelier parents-enfants ?

Durant cet atelier je demande aux enfants de faire une impro, les yeux fermés avec un bandeau. Et ils parviennent à faire des créations incroyables. Puis à leur tour, ils doivent regardent leurs parents danser avant de reproduire leurs mouvements. Ce lien permet de vivre un moment de complicité unique entre les parents et leur p’tit bout de chou.

L’association qui fête ses 10 ans en mai, rayonne bien au-delà de St Maur ?

En effet, je suis sollicitée aussi bien par des écoles de danse, que le ministère de la Justice - j’ai par exemple donné des ateliers à Mayotte auprès de jeunes en difficulté, que j’ai réussi à faire danser ensemble, devant un public -, j’interviens aussi dans des maisons de retraite. D’ailleurs, à ma grande surprise - j’ai même cru que c’était une blague ! - en 2020, je me suis vu décerner le titre de Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres. Bref, je suis une femme comblée.

Comment acceptez-vous l’évolution de votre handicap ?

Je me réadapte à mon univers. Aujourd’hui, je peux me déplacer n’importe où, car je vois autrement de façon instinctive. Il me reste un champ central, qui disparaît, mais je le remercie chaque jour, notamment pour finir ma formation de coaching que je suis actuellement. Même aveugle, je continuerai à faire mes ateliers. 

Si demain, vous aviez une baguette magique ?

Être à l’initiative du changement à opérer sur le handicap et enlever la peur des gens en leur permettant d’être dans le mouvement.

Parmi vos grands moments de joie de danseuse ?

J’ai eu la chance de danser dans le musée du Louvre et au musée de l’Homme sur une mosaïque… La réalisatrice Elsa Oudry m’a suivie pendant cinq ans : elle a écrit et termine la réalisation d’un documentaire, intitulé, Outrenoir, sur mon parcours. Sa diffusion est prévue en 2023.

Vos actualités ?

En mai, je vais donner un spectacle gratuit, dans une salle pouvant accueillir 600 places, à St Maur pour célébrer les 10 ans de mon association. Pour montrer mon soutien aux chiens guides, dont c’est le cinquantième anniversaire cette année, j’ai accepté de poser en Marianne noire, dans leur campagne publicitaire : les 50 ans des chiens guides

 

Pour en savoir plus sur l’association de Fabienne Haustant :

www.danselesyeuxfermes.fr
Tél. 06 62 37 49 09 - danse.lyf@gmail.com
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