Sophie D. : « Ça n’arrive pas qu’aux autres ! »

Ajouté le 18 oct. 2022, par Florence Batisse-Pichet
Sophie D. : « Ça n’arrive pas qu’aux autres ! »

Parole de femmes à l'occasion d'Octobre Rose 2022
Parole de femmes à l'occasion d'Octobre Rose 2022 ©SDI Productions

À l’occasion d’Octobre Rose 2022, mois de la prévention des femmes face au cancer du sein, Audiens Le Média a souhaité donner la parole à trois d’entre elles, en trois rendez-vous hebdomadaires. Autour de cette épreuve, trois témoignages sans tabou qui invitent à être à l’écoute de son corps. Troisième entretien avec Sophie D.

Ça n’arrive pas qu’aux autres. Tel est le leitmotiv de Sophie diagnostiquée d’un cancer à l’âge de 44 ans. Pour cette maman de quatre enfants, sportive et attentive à son alimentation, cette annonce était inimaginable. Deux ans après, elle revient sur la période qui suit : celle de l’après combat.

Alors que vous n’étiez pas dans le panel préventif, qu’est-ce qui vous a alertée ?

Un matin, j’ai senti une boule au sein : dans mon esprit, j’ai pensé à un kyste. 
Dynamique par la force des choses (4 enfants, c’est du sport !), je ne m’occupais pas beaucoup de moi. En revanche, ayant toujours eu une alimentation saine, je pensais que ça ne pouvait pas m’arriver ! Au cours de mes quatre grossesses et avec l’allaitement de mes enfants, j’ai vu mes seins bouger donc je n’étais pas inquiète. Je consulte mon généraliste qui me prescrit une mammographie que je programme sans urgence après une journée de travail. La radiologue s’éternise : je ne comprends pas ce qui se passe. À l’annonce de termes incompréhensibles, tels que « calcifications », on m’explique qu’il faudra faire une ponction et qu’on n’est sûr de rien. Effondrée, je suis restée 1h sur le parking à pleurer. C’est le début de l’enfer. Il y aura dix jours d’angoisse jusqu’à la confirmation :  il s’agit d’un carcinome infiltrant au stade 2 mais à la chirurgie, il s’est révélé être déjà au stade 3. 

Comment s’est déroulé le traitement ?

Par rapport au résultat de la biopsie, il y a eu d’abord de la chirurgie puis de la radiothérapie et de la chimiothérapie . Les séances ont duré d’octobre 2019 jusqu’à février 2020, puis les séances de radiothérapie sont survenues pendant le confinement ! Parce que la tumeur du sein se fixe sur les œstrogènes, je suis actuellement sous hormonothérapie, c’est-à-dire en ménopause précoce, pour une période de 5 à 10 ans. C’est un simple cachet qu’on avale le matin mais les effets secondaires sont difficiles. 

Comment l’avez-vous vécu ?

Le plus difficile a été d’accepter d’entrer en chimio  : c’est un acte complexe. On sait que pour guérir, il va falloir tout détruire. Entrer dans cette posture est un passage compliqué Le mot juste serait une entrée en combat, tout en sachant qu’on va brûler, sans être assurée de l’issue. Au début du traitement, la réaction est celle de la survie mais c’est après, quand c’est fini, qu’on se sent seule : on a l’impression d’être sur une terre brulée : un no man’s land. Après l’opération, j’ai craqué : ça s’est cumulé avec une dépression post-traumatique. C’est aussi en prenant le temps de me soigner et de m’arrêter, que j’ai compris que je devais être en burn out professionnel et personnel. Le stress a donc dû être un facteur aggravant dans mon cancer. Aujourd’hui, je suis toujours arrêtée : je prends la mesure de tout cela.

Quels ont été les effets indésirables les plus difficiles ?

Pendant deux ans après, j’avais du mal à me concentrer et donc à lire  : j’ai perdu cognitivement. J’avais l’impression d’oublier des choses et il me fallait tout noter. Ces traitements nous brûlent de l’intérieur. 

Vous êtes-vous fait aider ?

J’ai ressenti le besoin de parler à quelqu’un. À l’occasion d’une période de vacances, les enfants partis, je me suis retrouvée seule avec ma cicatrice et mon combat à mener. Sur la feuille de soins, j’avais lu que je pouvais bénéficier de quelques séances avec un psychologue, remboursées par la Sécurité Sociale : j’ai osé composer le numéro pour prendre rendez-vous. Même si ce n’était pas pris en charge, j’ai poursuivi un travail avec une thérapeute qui pratiquait l’EMDR. Vu qu’elle préparait une thèse sur le syndrome post-partum, elle était très à l’écoute par rapport à ce genre de détresse.

Comment les membres de votre famille ont-ils réagi ?

Ils ont été magnifiques. Ils font encore ce qu’ils peuvent avec leurs propres peurs aussi mais finalement, c’est nous qui les portons ! Car la question de la mort s’impose autant pour soi que pour eux. J’ai ressenti un sentiment d’abandon de mes enfants car ils ont pris leurs distances. La meilleure façon pour eux de se protéger était de me détester. Si leur maman partait, ce serait moins douloureux. 

Avez-vous un conseil à partager ?

Il faut se tourner vers une association. Dans mon cas, j’ai frappé par hasard à la porte de la Ligue contre le Cancer. Vu que j’avais fait le choix de ne pas porter de perruque, je me demandais comment j’allais faire ! Une personne m’a accueillie et m’a, entre autres, proposé de m’inscrire à un cours de marche nordique que je continue de pratiquer, en plus de l’escrime adaptée. Parce que l’encadrement est fait par des personnes bénévoles ayant été dans la même situation que nous, les questions qu’on n’ose pas poser, on se les pose entre nous et on se répond sans tabou. On se comprend en se portant les uns les autres. 

Votre message de prévention ?

Les filles, faites attention ! Cela n’arrive pas qu’aux autres. Il y en a de plus en plus de cancers du sein qui surviennent avant cinquante ans, d’autant qu’à trente ou quarante ans, le dépistage n’est pas systématique. C’est pourquoi, de plus en plus de médecins se mobilisent pour une mammographie à partir de 35 ans. Très franchement, je ne me sentais pas concernée par l’autopalpation et je regardais mes seins distraitement. C’est quand j’ai eu ma tumeur que j’ai appris à le faire. On peut voir la formation d‘une fossette, comme un petit pli qui apparaît. 

Que retirez-vous de cette épreuve ? 

J’ai véritablement découvert le sens du mot « patient » : on passe des heures dans des salles d’attente pour consulter des professeurs ou passer ses séances en chimio et en radiothérapie. Parce qu’on devient patient, il faut aussi savoir être patient avec soi-même et ses proches. Car cette épreuve est un ravage pour la vie de couple. On parle beaucoup de ces filles qui ont totalement changé de vie. Certes, on peut avoir envie de tout changer et d’aller vivre chez les papous mais il y a aussi un combat à mener : celui de rester et d’assumer les choix qu’on a fait avant. Ce n’est pas une question de devoir mais de dialogue et de prise de conscience à partager. Cette épreuve m’a obligée à canaliser le stress en énergie plus positive.

Un souhait ?

Dommage que notre société ait encore une si mauvaise image du cancer : c’est juste une maladie parmi d’autres ! Pendant mon traitement, beaucoup de mes proches n’osaient pas me parler : ils m’ont avoué que c’était trop dur pour eux. Enfin, et j’insiste sur l’après : quand la partie lourde du traitement est terminée, c’est à ce moment-là qu’on a besoin d’être entouré. On est encore abîmé et c’est impossible de rayonner.

Pour s’informer sur Octobre Rose : https://octobre-rose.ligue-cancer.net

Pour prendre rendez-vous avec le service de gynécologie ou pour une mammographie : consulter le site du Pôle santé Bergère  
7 rue Bergère – 75009 Paris - Tél. 0 173 173 173

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