La dépendance, mal du siècle ?

Ajouté le 25 avr. 2019, par Alexandre Faure
La dépendance, mal du siècle ?

Perte d'autonomie et dépendance ne sont pas synonymes.
Loi Grand Âge et Autonomie
Perte d'autonomie et dépendance ne sont pas synonymes. ©iStock

À l’heure où l’État travaille à une loi « grand âge et autonomie », Audiens Le Média vous propose revenir sur ce sujet qui nous concerne et génère de nombreuses inquiétudes. Mais au fait, comment définir la dépendance et la perte d’autonomie ?

Dans nos sociétés occidentales où la jeunesse et la performance tiennent une place importante, vieillir est perçu négativement et nourrit de nombreuses craintes. Les représentations du vieillissement s’organisent majoritairement autour des notions de perte et de déclin des capacités physiques et cognitives.

Par commodité, on s’est inventé des mots-valises pour décrire cette décrépitude : la dépendance et la perte d’autonomie. Comme tous les mots-valises, la dépendance et la perte d’autonomie ont deux défauts. Le premier c’est qu’ils sont fourre-tout, le second, c’est qu’on finit par ne plus savoir ce qu’il y a dedans. Les médias, les figures de référence de la profession, le public et même le législateur emploient l’un comme l’autre pour désigner un ensemble de phénomènes liés au vieillissement.

En 2019, l’autonomie revient en force puisque l’État travaille à l’élaboration d’une ambitieuse loi sur le grand âge et l’autonomie. Une loi qui doit, entre autres, définir comment financer la dépendance. Dans cette future loi comme dans les précédentes, dans nos esprits comme dans nos peurs, dépendance et perte d’autonomie ne sont jamais bien loin l’une de l’autre.

Je vous propose une approche plus approfondie du sujet, afin de vous aider à y voir plus clair sur la dépendance, la perte d’autonomie, ce que ces deux expressions signifient et pourquoi il ne faut pas en avoir si peur.

La définition de la dépendance et de la perte d’autonomie

La dépendance est l’impossibilité partielle ou totale pour une personne d’effectuer sans aide les activités de la vie, qu’elles soient physiques, psychiques ou sociales, et de s’adapter à son environnement.

La notion de dépendance renvoie à l’idée d’un besoin en soins de santé, mais aussi en assistance à la vie quotidienne. Il s’agit généralement d’un besoin de longue durée lié à une perte d’autonomie.

L’autonomie est la capacité d’un individu à se gouverner lui-même ; y compris à gérer sa dépendance. C’est une indépendance par rapport à une décision, et non pas par rapport à des moyens.

Elle est à opposer à l’hétéronomie dans laquelle une autre personne gère ce qui arrive, sans en référer aux besoins et désirs de la personne concernée.

L’autonomie, ce n’est pas l’absence de dépendances

La dépendance et l’autonomie sont à distinguer. Une personne âgée peut avoir besoin de l’aide d’un tiers pour les tâches de la vie quotidienne tout en restant en mesure de décider de la manière dont elle veut vivre ou encore de la façon de dépenser son argent.

Selon le sociologue Bernard Ennuyer, il y a « un réel manque de consensus sur cette définition actuelle de la dépendance, réduite par le paradigme médical à n’être qu’un état d’incapacité. ».

On peut essayer de trouver des passerelles entre les deux notions pour expliquer que l’une appelle l’autre. Dans les faits, à l’exclusion notable des maladies neuro-dégénératives de type Alzheimer qui entraînent à la fois perte d’autonomie (dans les phases précoces) et dépendance (dans les phases aggravées), il est possible d’être dépendant et autonome mais aussi d’être en perte d’autonomie sans être dépendant !

La loi et l’esprit

La dépendance, c’est le handicap des personnes âgées. Au sens de la loi, on n’est dépendant qu’à partir de 60 ans !

En France, le niveau de dépendance d’une personne âgée de plus de soixante ans est défini à partir de la grille AGGIR. Cet outil classe les individus en six niveaux de dépendance, les GIR (groupe iso-ressources). Ce classement est effectué par le médecin traitant à partir d’un questionnaire préétabli et sert avant tout au calcul des financements et aides versées à une personne ou à un établissement en fonction des besoins de soins évalués. Administrativement, une personne sera considérée comme dépendante si elle est âgée de plus de 60 ans et si elle appartient aux groupes GIR 1 à 4, ce qui ouvre droit à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

Le classement GIR est avant tout administratif et ne reflète pas avec exactitude l’état de dépendance d’une personne, car celle-ci est souvent définie par des incapacités sans se préoccuper de l’interaction avec son environnement social ou physique. Si une personne âgée logée dans un appartement au troisième étage sans ascenseur ne peut plus faire ses courses seule, cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne sera pas capable de les faire dans un environnement adapté. Selon la gérontologue Colette Eynard, la dépendance n’est pas un état, c’est « une relation entre une personne et son environnement matériel ou affectif ». On n’est pas « dépendant », on est « dépendant de quelque chose ou de quelqu’un ». La notion d’interdépendance est donc plus intéressante. Il n’y a pas une, mais des dépendances.

Excellente idée, n’est-ce pas ?

Suivons le fil de la pensée de Colette Eynard, voulez-vous ? Essayons d’imaginer une société inclusive qui s’adapte aux besoins des plus fragiles. Une société qui prévient la perte d’autonomie en offrant à tous les conditions d’une vie autonome.

L’adaptation de la société au vieillissement et le design pour tous

Si nous adaptons notre environnement aux fragilités des personnes âgées, nous les aidons à rester autonomes. Dans cette approche inclusive, il ne s’agit plus de traiter la dépendance en apportant un soutien pour remplacer les fonctions que la personne âgée ne peut plus faire seule. Il s’agit de penser l’environnement pour éviter la survenue de la dépendance.

Prenons un exemple : les autobus.

Du design universel dans les autobus

Il y a encore quelques années, pour monter dans un autobus, il fallait franchir une volée de marches assez hautes et séparés par une rampe abrupte. Dans le sens de la descente, il fallait à nouveau franchir une haute volée de marches.

Dans un souci d’adaptation des transports en commun aux personnes à mobilité réduite, les concepteurs d’autobus ont supprimé ces marches en abaissant la plateforme des véhicules. Désormais, la plateforme du bus est au niveau du trottoir. Par conséquent, l’accès à l’autobus est désormais possible quasiment sans assistance pour une personne en fauteuil roulant, mais il est également simplifié pour une personne âgée, un parent avec poussette ou un touriste avec valise.

En adaptant les autobus aux contraintes des plus fragiles, les concepteurs des nouveaux véhicules répondent aux besoins de l’ensembles des usagers à mobilité réduite ou contrainte sans pour autant dégrader le confort des autres usagers.

Il en va de même pour bien d’autres aménagements du quotidien dont la simplicité universelle nous échappe tellement leur usage est entré dans nos mœurs. En pensant nos environnements au bénéfice des plus fragiles de nos concitoyens, nous pouvons éviter que la dépendance s’installe.

Bien sûr, il existe toujours des causes individuelles de dépendance qui nécessitent le recours à d’autres formes d’aides, mais ne trouvez-vous pas encourageant qu’on puisse éviter certaines manifestations de la dépendance en adaptant simplement notre société au vieillissement ?


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Psychologue clinicienne, conférencière et écrivaine spécialiste du bien vieillir...


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