Comprendre le souffle du haïku : rencontre avec Pascale Senk

Ajouté le 13 mai 2019, par Florence Batisse-Pichet
Comprendre le souffle du haïku : rencontre avec Pascale Senk

Pascale Senk a écrit plusieurs ouvrages sur les bienfaits du haïku, genre poétique initié par des moines zen du XVIIe siècle. Elle en parle à l’occasion des « 10 ans du bien vieillir », évènement qui s’est déroulé le 3 décembre 2018 au Théâtre Montparnasse.
Pascale Senk a écrit plusieurs ouvrages sur les bienfaits du haïku, genre poétique initié par des moines zen du XVIIe siècle. Elle en parle à l’occasion des « 10 ans du bien vieillir », évènement qui s’est déroulé le 3 décembre 2018 au Théâtre Montparnasse. ©David Pell

Journaliste spécialisée en psychologie et en développement personnel, Pascale Senk s'intéresse depuis une dizaine d’années aux haïkus, ces poèmes courts d’inspiration japonaise qui offrent une véritable voie de méditation et invitent à saisir les instants précieux de la vie. De ses lectures à la pratique, elle s’est prise de passion pour cette forme de poésie qu’elle aime faire partager dans des livres et des ateliers. Et si vous aussi, vous vous mettiez à écrire des haïkus ?

Quelles sont les règles à respecter ?

Un haïku est un petit poème d’origine japonaise, en 3 lignes de respectivement 5, 7, 5 syllabes, ce qui donne en tout 17 syllabes que les maîtres classiques japonais souhaitaient pouvoir « dire en un seul souffle ». Ce qui importe c’est « l’esprit du haïku » : rendre hommage de manière brève aux choses simples, célébrer les beautés de la nature, de l’amitié… au fil des saisons.

Vous considérez-vous comme une haïkiste ?

J’en écris quotidiennement mais je me considère comme amateur. C’est un chemin où il faut garder l’esprit du débutant ainsi que le recommandaient les maîtres zen.

Quelle est votre pratique ?

Le haïku est une surprise : on ne sait pas quand il arrive. Le plus souvent, ce sont des moments de la journée qui m’inspirent et la nuit, comme je suis insomniaque, j’en fais des haïkus.

Lisez-vous autant que vous écrivez ?

Au début, j’ai lu énormément les auteurs classiques et les anthologies. Aujourd’hui, je lis moins mais chaque jour, je découvre des haïkistes contemporains sur des sites auxquels je suis abonnée. Je m’intéresse aux ouvrages consacrés aux haïkus ou sur la littérature japonaise.

En connaissez-vous beaucoup par cœur ?

Je me souviens de certains comme par exemple celui d’Hosaï, un poète du XIXe siècle :
      Ce cœur qui réclame ceci ou cela
      Dans la mer
      Je relâche 

ou bien de ceux que j’ai écrits. Il y a un vrai plaisir à ré-ouvrir ses carnets et à revoir le moment où on les a écrits. Ainsi dans les stages du « Bien Vieillir » animés par Marie de Hennezel dans lesquels je suis intervenue, on travaille sur la mémoire de ces instants précieux où l’on replonge émotionnellement.

Aujourd’hui, si vous faites le bilan, cette pratique a-t-elle eu un impact sur votre vie ?

Je n’ai pas osé écrire tout de suite. Cela fait cinq ans que je pratique : c’est devenu vital. En allant à l’essentiel, le haïku m’a apporté une fraîcheur que j’avais perdue. Il ne se limite pas seulement au beau mais permet d’exprimer le vrai en lien avec son environnement, une colère, une émotion forte. Cela m’a non seulement reconnectée à la force libératoire du mot mais aussi à la gratuité et au goût de la poésie occidentale de mes années de lycée.

Quels conseils pour se lancer ?

Avant tout, je préconise de lire les classiques japonais et de consulter les sites d’haïkus contemporains. Je suggère de commencer par « L’effet haïku », le livre que j’ai publié en 2016 ainsi qu’une anthologie préfacée par Roger Munier, éditée au Point Seuil. Quand on commence à en écrire, il existe des groupes sur Internet mais ça ne remplace pas un atelier. C’est une pratique magique qui a une dimension collective car on rencontre les gens à un niveau d’intimité. Il suffit d’avoir un petit carnet et un crayon mais j’avoue qu’il m’arrive d’écrire mes haïkus sur la partie notes de mon smartphone !

Les Japonais d’aujourd’hui restent-ils fidèles à la pratique de leurs ancêtres ?

Comme avec l’ikebana, le haïku reste très présent. Ainsi sur la grande chaîne de télé NHK, il y a une émission quotidienne avec un concours qui pourrait se rapprocher de l’émission The Voice : Les Haïku Masters. Dans les journaux, un événement tragique comme celui de Notre-Dame, aurait suscité l’envoi de milliers de haïkus : c’est ce qui s’est produit pour le désastre de Fukushima. Même si le phénomène reste moins important que les mangas dans les nouvelles générations, la pratique reste importante.

Comment le haïku s’est-il fait connaître en Occident ?

On peut évoquer Paul Claudel bouleversé quand il découvre des haïkus alors qu'il est ambassadeur de France au Japon dans les années 20, présentés dans le pavillon du Japon durant l'Exposition universelle de 1900.

Après cela, il écrit un recueil, suivi par d’autres comme Éluard. Dans les années 50, les Américains, à travers le mouvement des beatniks, ont découvert la pratique du zen. Jack Kerouac a raconté ses expériences de fulgurances poétiques dans ses livres.

Puis la mode du haïku sombre dans l’oubli jusqu’à ce que dans les années 80, Roland Barthes le remette au goût du jour.

Quels sont les pays les plus adeptes du haïku ?

En tête, il y a les Japonais mais aussi les Américains. On trouve aussi en Roumanie une communauté très active, tout comme dans certains pays arabes dont le Maroc, du fait d’une longue tradition de poésie.

Des moments d’émotions procurés par des lectures ou des rencontres ?

Parmi les textes, je pense à celui d’un homme qui raconte sa rupture en haïkus ou bien encore au recueil « Avant le silence » qu’a écrit Michel Onfray, un an avant la mort de sa femme. Parmi mes rencontres, il y a celle de Robert Epstein, un psychologue américain qui m’a expliqué comment il intègre le haïku dans sa pratique.

Votre actualité de haïkiste ?

J'anime le stage « Écrire des haïkus : transformer des moments de sa vie en poèmes brefs », samedi 29 juin 2019, à l’école d’écriture Les Mots, à Paris.

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À lire également

« L’art du haïku », préface d'une anthologie traduite et présentée par Vincent Brochard (Belfond, 2009)

« L’effet haïku » (Leduc.s, 2016)

« Mon année haïku » (Leduc.s, 2017)

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À voir

Extrait de l’intervention de Pascale Senk aux « 10 ans du bien vieillir », le 3 décembre 2018 au Théâtre Montparnasse.

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